Actualité aéronautique

Psychose et quiproquo

Article publié le 13 décembre 2010 par Patrick Layrisse, alias eolien

Aux Etats Unis, des élèves pilotes apprennent à virer, à monter et à descendre. Ils ne s’intéressent à rien de ce qui passionne d’habitude les apprentis pilotes, le décollage et l’atterrissage. Ce sont des terroristes, et dans un mois et demi ils vont précipiter leurs avions sur le Pentagone et dans les tours jumelles de Manhattan, pour un carnage sans précédent.

Nous sommes le 26 juillet 2001.

Ce jour-là, en vol vers Douala, nous avons un problème sur le train avant. Peu après la mise en croisière, nous avons noté que les pressions des deux roues jumelées du train avant étaient à 0 PSI.

Si le calculateur avait été en panne, il y aurait eu des croix jaunes à la place des valeurs de pression. Mais comme elles indiquent bien une valeur,  0 PSI, on en déduit que les roues sont complètement dégonflées.

On imagine plusieurs scénarios, éclatement, objet ayant crevé les deux roues simultanément, crevaison lente, et bien entendu, on envisage aussi un dysfonctionnement du calculateur qui gère les fonctions et les paramètres des trains d’atterrissage : le BSCU (Brake & Steering Calculator Unit)

On fait des resets de ces calculateurs, en tirant les breakers concernés, on attend une minute et on les ré-enclenche : aucun changement : pression toujours à 0 PSI.

Poursuivre le vol dans ces conditions et risquer un atterrissage scabreux à Douala n’étant pas raisonnable, je décide de revenir vers Paris.

Sur l’Airbus 310, il n’y a pas de Vide-Vite pour vidanger en vol le carburant , et puisqu’on risque de devoir se reposer avec un train aux pressions de roues incertaines, voire crevées, autant avoir le moins de carburant à bord et pour cela, voler le plus longtemps possible.

Pour l’instant, on ne dit rien au contrôle, on poursuit le vol en laissant tout le monde,  l’équipage commercial, Hôtesses et Stewards, ainsi que les passagers dans l’ignorance de notre problème. Je leur donne l’autorisation de procéder au service du repas, dans les trois classes : Première, Business et Economique.

Je ne dis rien car cela ne servirait à rien, si ce n’est à inquiéter tout le monde. Les passagers poseraient mille questions aux PNC, nous serions sans cesse soumis à des appels, des demandes de messages que nous ne pourrions satisfaire, des récriminations, des plaintes…



Et puis on espère toujours trouver une solution pour dépanner en vol…

On appelle  la maintenance par HF, via Stockholm radio, car nous n’avons pas d’ACARS ni de téléphone satellite :
«Stockholm Radio ! Stockholm Radio ! This is Air France  Eight Four Six calling.»

«Air France 846 this is Stockholm Radio reading you five. Go ahead !»

«Stockholm Radio Air France 846 we are requesting a phone patch with our maintenance.»

«Air France 846  Standby !»

Quelques instants plus tard nous avons la maintenance en ligne qui n’a rien d’autre à nous proposer de mieux que ce que nous avons déjà fait.  Je leur confirme notre retour, en leur donnant une heure estimée d’atterrissage.

Puis on demande à Stockholm de nous transférer sur notre centre opérationnel, que nous informons de notre retour en leur demandant de prévenir les pompiers d’être prêts pour l’atterrissage.

Nous poursuivons notre vol comme si de rien n’était, survolons la Méditerranée jusqu’à Constantine, histoire de consommer du carburant et de laisser nos passagers déguster leur repas en toute tranquillité.

Puis arrivés à la côte algérienne, nous avons fait un demi-tour à faible inclinaison, afin de n’alerter personne, et sommes rentrés vers Paris.

Mais nous n’avons pas trompé tout le monde et une hôtesse est venu nous dire que des passagers habitués de la ligne étaient convaincus que nous n’étions pas au bon cap pour Douala…

J’ai donc fait une annonce pour informer des raisons de notre demi-tour et de ses conséquences. Puis nous avons calculé combien de passagers il fallait déplacer vers l’arrière pour se poser aux limites de centrage arrière, afin de soulager autant que faire se peut le train avant.

Les pompiers que nous avions alertés étaient en place lors de notre atterrissage qui s’est fort bien passé : les roues étaient apparemment bien gonflées.
Une fois au parking, les mécanos ont débranché et rebranché un câble et la pression est revenue spontanément. Ils ont changé le calculateur par acquis de conscience, et on est reparti pour Douala… mais avec un autre équipage PNC.

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Nous sommes à présent le 23 septembre 2001.

Il y a douze jours que les terroristes d’Al Qaïda ont commis leurs crimes.

Traumatisé, le monde entier est au bord de la paranoïa. Tout le monde est persuadé que d’autres attentas tout aussi terribles vont avoir lieu, un peu partout sur la planète Terre.

Les pilotes américains, dans un réflexe qui aurait plût à John Wayne, veulent être armés et réclament le droit de porter le colt à la ceinture, comme au bon vieux temps de Butch Cassidy.

Aujourd’hui, je retourne à Douala.  J’ai raconté au copilote qu’il y a un mois et demi nous avons du faire QRF (code du demi-tour), pour la raison exposée plus haut, la pression supposée à zéro des deux roues du train avant.

L’embarquement touche à sa fin.

Sur les vols Afrique, nous avons à bord cinq agents chargés de la sureté sur les escales africaines. Trois sont chargés de la fouille des bagages à main, et on leur a adjoint deux agents d’une socété de « protection ». Ils sont habillés d’un uniforme, pantalon bleu marine, chemisette bleue clair. Sur ce vol, il s’agit de deux gaillards serbo-croates à la carrure de deuxième ligne de rugby.

J’en fait venir un au cockpit, le plus costaud,  et le charge de la mission suivante :

«Vous avez vu ce qui est arrivé aux Twin Towers ?... Alors vous allez vous asseoir ici, sur ce siège observateur, qui est situé juste derrière moi, et si quelqu’un entre de force dans le cockpit, vous le tuez !»

Je lui mets dans les mains la hache que nous avons au cockpit.

«Vous m’avez bien compris ?... Il ne s’agit pas de négocier ou de palabrer : vous le tuez.»

Il me fait signe qu’il a très bien compris et garde la hache en main. De toute évidence, fracasser le crane d’un suppôt d’Al Qaïda ne lui pose aucun état d’âme. Seule la perspective de sauter le bon repas que les jolies hôtesses d’Air France allaient lui servir le préoccupe. Je le rassure en lui disant que plus tard, en croisière, il sera relayé par ses collègues pour aller déjeuner et se reposer, car je sais que son service commencera dès l’arrivée au parking.

Le décollage se passe normalement, on survole le Languedoc, les passagers sont en plein repas et le pépin arrive alors que nous franchissons la côte méditerranéenne, du côté de Montpellier.

Un message d’alarme s’est affiché : , il y avait des croix jaunes sur tous les jaugeurs carburant, à la place de chaque chiffre, ce qui incrimine fortement une panne du calculateur FQI (Fuel Quantity Indicator).

Nous tentons des resets de ce calculateur, mais sans succès. Nous appelons Stockholm-Radio pour une conversation avec notre Maintenance, mais il n’y a rien à faire d’autre que ce que nous avons entrepris, et le FQI est bel et bien en panne.

Poursuivre le vol sans pouvoir contrôler la consommation, sans pouvoir déceler une fuite, ne me paraissant pas raisonnable, je décide donc que nous ferons demi-tour et je dis au copilote :

«Si nous n’arrivons pas à restaurer le FQI, on fera demi-tour avant la FIR Alger, pour ne pas entrer dans l’espace algérien.» (FIR : limite d’un espace aérien)

Dans le cas où, arrivé à la limite de FIR, une solution miracle permettrait de restaurer les indications des jauges et de poursuivre le vol , on sélectionne la fréquence d’Alger contrôle que l’on laisse en veille sur la radio VHF 2.
Je préviens le chef de cabine de notre déroutement probable vers Marseille, en espérant que cette escale ait un calculateur FQI pour A 310, sinon, nous rentrerons à Paris, et nous volerons à basse altitude pour consommer du carburant car nous sommes en surcharge pour l’atterrissage.

Arrivés à la FIR je prends le micro pour appeler le contrôleur de Marseille-Contrôle.

«Marseille Air France 846 on fait demi-tour cause technique et…»

A cet instant deux pilotes arabes se mettent à parler en arabe sur la VHF 2 dont on a réglé le volume trop fort, et leur flot de paroles se déverse bruyamment depuis le haut parleur, ce qui me gène et je suspens ma phrase, sans l’interrompre mais avec un débit plus lent…

«… on voudrait … faire demi-tour… sur … Marseille…»

Le copilote a compris que cette intrusion sonore me gêne et baisse le volume de la VHF 2  jusqu’à ce que l’on entende plus les deux arabes. Trop tard, car les contrôleurs les ont bel et bien entendus.

«Air France… bien compris… euh… autorisé par virage à gauche vers Marseille… maintenez votre niveau de vol … je vous rappelle.»

Je demande au copilote  d’entamer le demi-tour par un virage à gauche, et nous mettons le cap sur Marseille.
Nous sommes préoccupés par le problème du poids du carburant, trop élevé pour un atterrissage en-dessous de la masse maximale.

«Marseille Air France 846 on voudrait descendre au niveau 100 et dérouter sur Marseille.»

«Air France 846… descendez … au niveau 180 et maintenez le cap.»

J’accuse réception et le copi entame la descente vers Marseille . Je lui confie la Radio et appelle l’escale de Marseille sur la VHF 2.  Ils n’ont pas de Calculateur FQI…

Ce sera donc Roissy. Je reprends la VHF 1 : «Marseille Air France 846 nous annulons notre déroutement sur Marseille et nous demandons une clearance pour dérouter à Roissy.»

«Air France 846 maintenez le niveau 180 et prenez le cap Nord.»

Puis le contrôleur me fait changer de fréquence. Le nouveau contrôleur me donne un nouveau cap vers Paris.
Je fais  une annonce aux PNC puis aux passagers pour les informer de notre panne et de notre retour vers Paris Roissy.

Nous avons recalculé notre masse à l’atterrissage, qui est toujours trop élevée, et je redemande un niveau inférieur, si possible le niveau 100. (10 000 ft)

«Air France 846 Standby… … Air France 846 vous allez être intercepté par des Mirages pour identification… Maintenez le cap et l’altitude.»

Nous commençons à comprendre : notre demande de déroutement doit leur paraître suspecte , d’autant plus que nous avons changé de destination… et nous comprenons que le controleur a entendu les deux arabes qui parlaient à la radio. Ils ont crû qu’ils étaient au cockpit et doivent croire à un détournement. ! Nous sommes 12 jours après le drame des Twin Towers … La psychose est générale… On voit des hordes de talibans suicidaires partout !...

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Plusieurs faits se sont cumulés pour donner à penser aux controôeurs que nous sommes victimes d’un acte de piraterie et que, probablement, nous parlons sous la contrainte…

Tout d’abord, bien évidemment, l’intrusion phonique des deux pilotes arabes dans notre demande de déroutement.
Puis, le changement du terrain de déroutement : pour eux c’est un changement de cible !
Enfin, les contrôleurs sont habitués a recevoir des demandes pressantes d’altitudes plus élevées de la part des pilotes, pour des raisons d’économie de carburant. Notre demande de descendre a été interprétée comme un facteur supplémentaire de contrainte de la part des supposés terroristes.

«Marseille Air France 846… je peux vous rassurer, tout va bien à bord, il n’y a aucun problème… »

Et j’explique le quiproquo.

«Merci Air France 846  Maintenez cap et altitude, vous allez être intercepté pour indentification…»

On devine que le contrôleur pense que j’ai parlé un pistolet sur la tempe ou un couteau sous la gorge…

J’appelle le chef de cabine que j’informe de la situation et je fais une annonce aux passagers :

«Mesdames et messieurs en raison de notre retour imprévu sur Paris et compte tenu des évènements survenus à New York, les autorités ont décidé de nous faire identifier par un avion de l’armée de l’air. Préparez vos appareils photos, l’avion, un Mirage, sera bientôt à nos côtés.»

Le cockpit se remplit des hôtesses et des stewards, qui s’entassent à côté du vigile qui est toujours armé de sa hache, et qui fort heureusement n’a assommé personne. Il a suivi de près nos conversations et il est tout heureux d’être aux premières loges.

Nous attendons. Les minutes s’écoulent, toujours pas de Mirage en vue.

Nous changeons de cap aux ordres du contrôle, sans discuter pour bien témoigner de notre obéissance. Nord… Ouest… Sud… Est… Nord…

Ils nous font faire de longs rectangles dans le ciel de France, à peu près sur l’axe Limoges, les Pyrénées, Montpellier, Valence….

Le contrôleur que j’interroge ne connaît qu’une réponse : «Standby, le Mirage sera là d’un instant à l’autre.»

En fait, je l’ai appris plus tard, il y a trois Mirage dans notre queue, et je ne sais pour quelle raison, ils y sont restés un très long moment avant de pointer le bout du nez. On peut supposer qu’en bas, c’est le branlement de combat.
Les deux têtes pensantes de l’état, Chirac et Jospin, sont évacués et planqués je ne sais où…

Enfin, un Mirage apparaît sur le côté gauche, à une cinquantaine de mètres.  Il reste quelques secondes, le temps que le contrôleur me demande si nous l’avons en vue.

«Affirmatif ! Il est magnifique !»

Il s’agit d’un Mirage 2000, et il est armé !

«Acceptez-vous qu’il s’approche de vous pour une inspection ?...»

«Affirmatif, pas de problème.»

Informé de notre accord, il s’approche de nous et se positionne à quelques mètres.  Les hôtesses se penchent sur moi pour agiter leurs menottes aux fenêtres.

Le pilote nous inspecte. Il vole la tête tournée vers nous en permanence, en vol relatif. Il ne nous quitte pas des yeux une seconde. Il est tellement près que s’il n’avait pas sa visière teintée, je pourrais dire la couleur de ses yeux.
Le temps passe. Je demande au contrôleur si je peux parler au pilote du Mirage :

«Négatif, il n’a que des fréquences UHF …»

C’est un gros mensonge, mais je pense qu’ils ne veulent pas qu’un lien soit établi entre nous, au cas où il lui faudrait nous tirer dessus…

Le Mirage descend, disparaît en-dessous pour réapparaître côté droit.

Hotesses et stewards se précipitent de l’autre côté pour admirer le chasseur.

Les minutes s’écoulent…

Il réapparait de mon côté.

«Marseille Air France 846 je comprends que votre pilote doit être intrigué par tout le monde qu’il voit au cockpit. Pour vous prouver que je suis bien maître de mon avion, je vais demander à toutes les personnes présentes de quitter le cockpit.»

Je fais évacuer le cockpit. Le Mirage est là tout près, littéralement collé à ma gauche. Je me retourne et j’ai la surprise de voir l’agent de sécurité toujours derrière moi, armé de sa hache. Si le pilote du Mirage l’a vu, ça va compliquer sérieusement les choses. Je lui demande de quitter à son tour le cockpit et de monter la garde devant la porte. Il s’exécute, et il n’y a plus que le copilote et moi dans le cockpit.

Je fais signe de la main au pilote du Mirage d’approcher. Il vient se coller à nous. C’est fabuleux ! Je le vois juste à côté. Avec un geste qui se veut expressif des deux mains je lui montre le cockpit. Je lui fais de grands sourires en espérant le convaincre. Il observe mais je comprends qu’il ne peut pas tout voir .

En tous cas chapeau à ce pilote, car son pilotage est d’une précision diabolique : il est collé à nous comme le sont les poissons pilotes aux requins.

Le contrôleur nous appelle : «Air France 846 Tournez à gauche au cap Ouest !»

Le copilote tend la main pour sélectionner le nouveau cap et le pilote automatique, qui n’est pas très dégourdi, bascule sèchement l’Airbus vers la gauche, là où se trouve le Mirage.

Il y a un risque de collision si le Mirage ne bouge pas.

Le Mirage a rebondit en deux temps, et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Tout d’abord il a sèchement viré, en un éclair il a basculé, nous montrant son ventre et ses missiles, avec sous le fuselage un gros bidon de carburant, la manoeuvre l’a un peu écarté, puis, telle une bille qui rebondit sur du marbre il a fusé vers le lointain…Nous avons juste eu le temps d’apercevoir les tuyères rougies par la postcombustion…

Je réalise bien sûr qu’on lui a fait peur et qu’il a crû qu’on voulait l’éperonner.

«Marseille Air France 846 Dites à votre pilote qu’on s’excuse de lui avoir fait peur … Mais on a viré sur votre ordre…»

Quelques secondes plus tard, le Mirage reprend sa position et , la tête tournée vers nous, le pilote reprend son anonyme liaison.

J’ai alors une idée… Dans les jours qui ont suivi l’attentat des Twin Towers, nous avons eu un message confidentiel : de retour vers Paris, il fallait envoyer à notre Dispatch un message confirmant que tout va bien à bord. Ce message était composé de l’immatriculation, du niveau de vol, du prochain point de report, de l’heure estimée de passage, et des huit chiffres du matricule du commandant de bord.

«Marseille Air France 846  je vais vous passer un message, rappelez moi prêts à copier.»

«Air France 846 je suis prêt à copier…»

Je lui passe tous les éléments et égrène mon matricule.

«Air France 846 vous pouvez répéter les chiffres…»

Je lui redonne les 8 chiffres de mon matricule.

«Air France 846 Standby…»

Je vais réaliser plus tard que lorsque nous avons changé de fréquence, on nous a basculé sur une fréquence militaire, dont les contrôleurs ne connaissent pas cette consigne, propre à Air France. Ils ont crû à un message codé, ont mis les services du chiffre au travail pour décoder l’indécodable !...

Après le gars armé de sa hache que le pilote militaire a dû apercevoir, ce pseudo message codé les conforte dans l’idée qu’on est bel et bien sous la menace de terroristes . Je le subodore et cela me sera confirmé plus tard.
Cela fait deux heures que nous tournons… la situation est bloquée. Tout ce que je peux dire ne sert à rien puisqu’ils croient que je parle sous la contrainte.

«Marseille Air France 846 La situation ne peut plus durer… Puisque je vois que je n’arrive pas à vous convaincre que nous n’avons aucun problème et que je suis parfaitement maître de mon avion, je vous propose d’aller nous poser sur le terrain militaire de votre choix… Istres… ou Mont de Marsan par exemple ...»

«Standby Air France 846.»

Ils ont fait venir un ami pilote à la tour pour qu’il identifie ma voix et lui ont demandé si j’avais l’air stressé… Oui à la première question, non à la seconde.

Puis, enfin, les choses bougent : «Air France 846 je voudrais parler au commandant de bord.»

«C’est moi.»

«Sans hésitations, répondez immédiatement : quel est votre nom ?»

Je m'exécute.

«Sans aucune hésitation, épelez-le.»


J'épelle mon nom avec l'alphabet de radiotéléphonie en usage, et à toute vitesse pour prouver que seul un pilote qui est habitué à utiliser quotidiennement cet alphabet pourrait répondre aussi vite.
«Air France 846 Standby.» Répond le contrôleur qui à l’air d’hésiter.

Puis après quelques minutes : «Air France 846 Toujours le commandant ?»

«Oui, c’est moi, je vous écoute…»

«Sans aucune hésitation, à quoi vous fait penser Foxtrot Bravo Tango Golf Victor.»

C’est une immatriculation d’avion… On se regarde avec le copilote… Cette immatriculation me dit quelque chose …

J’interroge le copilote: «Un avion de la flotte ?...» Il fait une moue de dénégation…

Je réfléchis aussi vite que je peux … Un avion de l’aéro-club ?... Non, ça ne va pas…
Soudain la lumière !

«Super Guppy !...» dis-je au contrôleur …

«OK Air France 846 vous pouvez poursuivre vers Roissy, cap sur Dijon VOR !»

Ils étaient allés farfouiller dans mon dossier pour trouver cet avion sur lequel j’avais volé 15 ans auparavant…

Le contrôleur nous donne une autre fréquence, nous nous saluons et nous reprennons un vol normal.

Le Mirage nous a accompagné jusqu’au VOR de Dijon, où il nous a gratifié d’un joli break !...

 

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Arrivés au parking à Roissy, les mécanos ont remplacé en quelques secondes le calculateur FQI, on a repris du carburant, embarqué de la nourriture et des boissons, du champagne, changé d’équipage PNC,  et on est reparti vers Douala.

Le lendemain matin, je suis allé faire un tour au marché de Douala, et de retour à l’hôtel, je me suis installé avec quelques membres de l’équipage au restaurant de l’hôtel.

Tout à coup, nous voyons arriver au pas de course le chef d’escale qui m’interpelle : «On vous cherche partout !... Votre chef de division est convoqué chez le premier ministre Jospin pour débriefer cette histoire d’hier, et comme il ne sait pas ce qu’il s’est passé, il voudrait votre rapport … Venez vite avec moi à mon bureau… Ils m’ont donné une adresse mail chez Jospin et vous enverrez votre rapport là-bas directement.»

Nous sommes partis à son bureau, j’ai fait un rapport simple, car le temps pressait, ils étaient déjà en réunion.
J’ai appris quelques jours plus tard qu’il y avait les responsables de l’armée de l’air et d’autres personnalités. Tout le monde était satisfait : le possible détournement avait été bien identifié, l’interception avait été bien réalisée, en sept minutes entre le signal d’alerte et l’annonce du pilote « En position de tir »., et le quiproquo bien dénoué.

Ils auraient descendu l’avion si nous avions été réellement piratés, sans hésitations, plutôt que de le voir s’écraser sur une ville ou un objectif stratégique.

Ce jour là je n ‘avais malheureusement pas d’appareil photo, et la seule que j’ai eu a été déposée quelques jours après dans mon casier par le copilote qui avait un vieux «jetable» sur lequel il ne restait que trois photos possible…

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