Actualité aéronautique

Le Rafale est-il déjà mort ?

Article publié le 14 décembre 2011 par David Barrie

Gérard Longuet a dit que la production de l'avion français de combat s'arrêterait si aucun contrat à l'export n'était passé. La crise a-t-elle eu raison du (probablement) dernier chasseur entièrement développé et produit en France ?

Le Rafale a-t-il entamé le chant du cygne ? Après les échecs successifs au Brésil, aux Emirats Arabes Unis lors du salon de Dubaï, après le choix du Saab Gripen par les Suisses et après les dernières déclarations du ministre de la défense, Gérard Longuet, on pourrait dire que l'avenir semble tout à coup plus sombre. Concrètement, si aucun autre client que la France ne se décide pour le chasseur de Dassault, ce sera le début de la fin. Ce ne sera pas à cause de problèmes de performances, bien au contraire ! Le Rafale est reconnu pour ses capacités accrues, mais tous se plaignent de coûts importants. Peut-on acheter une Formule 1 au prix d'une citadine ?

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Pourtant, tout avait plutôt bien commencé. Il y a quelques années, le président brésilien Lula avait exprimé sa préférence envers le Rafale, Embraer comptant Dassault parmi ses actionnaires et Lula espérant un retour industriel sur le sol brésilien ; mais lors du changement présidentiel, le vent a tourné et le nouveau chef de l'Etat, Dilma Roussef, s'est plutôt prononcée pour un appareil américain, le F-18. Rien n'est perdu cependant, le Brésil repoussant sine die sa décision finale.

Bon, on ne va pas parler de la Lybie. Les promesses de ex-meilleur ami de l'Europe n'engageaient que ceux qui les croyaient. La Lybie doit être reconstruite et les avions de combat ne sont plus la priorité.

Rafale Les Emirats étaient enthousiastes aussi. On pensait qu'ils dépensaient sans compter ; que le Rafale était le meilleur avion de combat de sa génération et que, peu importe le prix, ils étaient prêts à payer. Grosse erreur : Les Emirats en ont eu assez. Ils ont d'abord exigé des changements, dont une motorisation plus puissante, et ont récemment déclaré au salon de Dubaï que l'offre de Dassault n'était pas compétitive. Ils se sont tournés vers EADS avec son Typhoon et les Américains.

Troisième acte manqué : la vente d'une vingtaine d'appareils à la Suisse. La vente était dans la poche, on pouvait tout faire, tout dire. La crise est passée par là, même en terre helvétique, et économiser près d'un milliard d'euros a été un bon prétexte de rejet du Rafale. S'ajoute à cela une revanche sur la question des paradis fiscaux ; la Suisse a préféré acheter un avion fabriqué par un pays "neutre" qu'est la Suède plutôt que par l'arrogante voisine. Enfin, en reprenant l'analogie aux automobiles, pourquoi acheter une Formule 1 alors qu'on n'a besoin que d'une petite citadine pour circuler en ville ? C'est un peu la problématique suisse : Les Helvètes voulaient remplacer les F-5 vieillissants par un nouvel appareil. Le Saab Gripen est parfait pour le même type de mission.

gripen

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Ces derniers jours, les politiques français ont posé ouvertement la question de la fin de la ligne d'assemblage du Rafale. En ces temps de diète budgétaire, peut-on encore se permettre d'acheter et de produire des chasseurs à près de 90 millions d'euros pièce au cas où un hypothétique contrat à l'export serait passé ? La réponse est dans la question. Tout aussi puissant soit-il, Dassault ne pourra se mettre en travers des politiques de restrictions budgétaires et justifier de telles dépenses pour le contribuable français.

F35 Mais, dans le même temps, aura-t-on vraiment le choix ? Après la fin du Rafale, vers qui pourra-t-on se tourner ? Vers les alliés américains avec leur F-35 (le F-22 est interdit à l'export) ?  L'avion est estimé à plus de 90 millions pièce et les coûts ne cessent de grimper ! De plus, c'est un mono-moteur ! Certes, c'est un appareil dit de cinquième génération, mais comment Lockheed Martin peut justifier un tel prix avec les économies d'échelle réalisées ? Et, serait-on prêt à renier le savoir-faire français en matière d'avions de combat pour ne devenir qu'acheteur ? 

Que penser de l'Eurofighter Typhoon ? Il est moins performant et aussi cher ! Ce n'est pas vraiment un appareil multirôle comme l'est le Rafale. On peut aussi ajouter que, outre deux contrats à l'export (Arabie Saoudite et Autriche), seuls les pays impliqués dans son développement l'ont acheté. Certes, il reste en lice en Inde et aux Emirats, face au Rafale notamment.

Il ne reste finalement que les Russes, mais là, difficile de savoir quel serait le prix tellement les variables (entretien, coûts d'aquisition, ...) semblent être nombreuses. On pourrait aussi imiter les Suisses et choisir le Saab Gripen, mais la Suède aurait-elle les moyens industriels et humains de produire le Gripen à grande échelle ? Ce serait aussi un retour en arrière, au temps des Mirage à un seul moteur. La France a-t-elle l'ambition rester un grand pays au niveau militaire ou préfèrera-t-elle se rétracter pour devenir un acteur de seconde zone ?

TA50

A terme, si on est assez patient, on pourrait attendre que les Chinois ou les Indiens (à encore plus long terme) nous vendent leurs productions nationales. Tiens, d'abord, on pourrait leur vendre notre super appareil ; le Rafale a encore une chance de remporter l'énorme contrat à l'export en Inde. Le gouvernement indien veut se procurer 126 appareils, soit des Rafale, soit des Typhoon. Si le contrat était en faveur du Rafale, on n'aurait au moins plus besoin de parler de fermeture de ligne, en tout cas dans l'immédiat.

Rafale

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La solution idéale serait un projet au niveau européen d'appareil omnirôle comme l'avait défini l'administration américaine avec le Joint Strike Fighter il y a quinze ans (même si les promesses de baisses de coûts n'ont pas été tenues). Cependant, quand on voit les tensions, les hésitations et les décisions des partenaires européens, on peut objectivement se demander si cela pourra être un jour possible. Chacun veut tirer son épingle du jeu ; on ne pourra satisfaire tout le monde. On a vu quelles avaient été les difficultés de quatre pays (cinq avec la France, au début) à monter un consortium pour construire l'Eurofighter Typhoon. Qu'en serait-il pour un appareil omnirôle, type Rafale ou F-35, de cinquième génération au pire !

Alors, le Ministre de la Défense peut bien annoncer la fin du Rafale. Il oublie de dire que, tant que la défense européenne ne sera pas état de marche, il n'y aura pas d'autre alternative pour la France en tout cas ; peut-être faisait-il en fait référence à la fin de la construction du Rafale en vu de développer son successeur. Ce dernier sera le fruit d'une coopération ou ne sera pas. Il est fini le temps où chaque nation avait les moyens de développer son propre avion de combat. A l'heure actuelle, à part les Américains et les Chinois, personne ne le peut (le Typhoon et le Rafale sont les derniers de leur espèce). Le dernier accord de coopération militaire signé entre la France et le Royaume-Uni apportera peut-être la première brique à cette dimension internationale ; cependant, les Anglais risquent fort d'être plus exigeant sur un futur projet qu'ils ne l'ont été (et le sont encore mais, il est vrai, de moins en moins) pour le F-35 de Lockheed-Martin.

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