Actualité aéronautique

Qaher F-313 : Le «nouveau» chasseur iranien

Article publié le 23 mars 2013 par Jean Bellessort

A l'occasion du 34e anniversaire de la Révolution Islamique, le Président de la République Islamique d'Iran, M.Mahmoud Ahmadinejad, a assisté à la présentation d'un nouvel avion furtif intégralement conçu et construit en Iran, le Qaher F-313.

Pour les passionnés d’aviation, l’aviation iranienne civile et militaire est surtout connue pour sa vétusté et son grand âge. En témoignent un certain nombre de "records" : dernier Boeing 707 passager en opération régulière (Saha Air), derniers Boeing 747SP en service passager régulier (Iran Air), et surtout, derniers F-14 "Tomcat" en service, le mythique avion du film Top Gun.

C’est donc avec un certain scepticisme que le monde occidental et la presse ont accueilli l’annonce de la création d’un nouvel avion furtif totalement indigène, le Qaher F-313. Un mois et demi après l’annonce, tentons à froid de décrypter les photos et la vidéo qui ont été publiées.

1. L’avion dans son ensemble

Le Qaher (Conquérant) a une forme très particulière. Sa configuration comprend un cockpit monoplace, des plans canards en arrière du poste de pilotage, des ailes de très petite surface et de faible allongement, avec à chaque bout d’aile des moignons à dièdre fortement négatif. La surface des plans canards est seulement légèrement inférieure à celle des ailes. Il est bidérive en V, à la manière du F-35, et est monoréacteur.

La silhouette générale montre un avion très plat, ce qui rend quasi impossible la présence d’une soute d’armement et du moteur intégré dans le fuselage.

2. En détail

  • Motorisation

Tout d’abord, concernant le moteur, aucune information n’a filtré au sujet de la motorisation emportée. Le Qaher a deux entrées d’air situées juste en arrière du cockpit sur le desus du fuselage. Elles sont de très petites dimensions et ne sont pas dentelées, donc pas furtives. Leur positionnement et leur forme sont très étranges puisque d’une part la forme indique l’absence de couche limite et leur positionnement sur le dessus empêche l’utilisation de l’avion à de grands angles d’attaque. Il n’y a pas de tuyère visible, posant la question de la régulation de la puissance moteur et de sa réelle efficacité. De plus, le positionnement de la sortie moteur indique que le corps de ce dernier est très au centre du fuselage et de petite dimension. Cela soulève donc des questions sur la manière dont est régulée la poussée ainsi que sur la puissance effective de ce moteur, voire sur son existence tout court. Rappelons que la conception d’un moteur d’avion est ce qui est le plus compliqué à produire, et même les pays disposant d’une industrie aéronautique conséquente ne sont pas toujours en mesure de produire des moteurs suffisament fiables et efficaces (la Chine notamment). Soit les Iraniens utilisent un moteur déjà existant, soit ils ont mis au point un moteur indigène, soit il n’y a aucun moteur existant pour équiper le F-313.

  • Cockpit

La partie la plus intéressante des photos publiées est sans conteste les clichés montrant le cockpit. Il paraît très petit, comme si l’avion n’était pas à l’échelle humaine. Le siège éjectable est un Martin Baker Mk10, un siège 0-0 dont la conception remonte aux années 1970 et qui équipe notamment le F-5, en service dans l'armée iranienne. Le pilote et ses jambes sont très repliés et la profondeur du cockpit semble très faible. L’ergonomie est donc très mauvaise.

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La verrière semble faite de plexiglas grossier et déforme la lumière des projecteurs. C’est totalement inutilisable en vol. Il n’y a pas de montants de verrouillage de la verrière, ni de joints, et le rebord sur lequel elle repose semble être en toile mal collée. C’est un des nombreux défauts majeurs de conception qui permet d’affirmer que le Qaher F-313 ne peut voler en l’état.

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Une des photos plongeantes du cockpit montre, à l'arrière du siège éjectable, la baignoire dans laquelle le train d’atterrissage se loge. Cette baignoire semble être construite en fibre de verre, comme le sont également les parois du cockpit. L’utilisation de ce matériau pose des questions de fiabilité et de protection du pilote, ainsi que concernant la structure générale de l’aéronef. L'utilisation de ce matériau en grande quantité dans la structure est curieux par rapport à sa résistance aux contraintes que peut subir un avion de combat. Il est également étrange que la baignoire du train d’atterrissage soit directement accessible derrière le pilote puisque cela montre qu’il n’y a pas de soute avionique, de même qu’il n’y a pas de système de pressurisation du cockpit, l’empêchant donc de voler à haute altitude.

Les photos disponibles en plus haute résolution montrent également une finition en fibre de verre sur une grande partie de l’intérieur du cockpit, si on peut réellement parler de finition au sens où le travail est tellement grossier que cela se distingue même sur des photos médiocres. L’instrumentation du cockpit est composée de systèmes civils existants : on reconnaît notamment des postes radios Bendix King et au moins un GPS Garmin. Les écrans sur le côté de la planche principale qui, quel que soit le pays fabricant, abritent généralement la gestion du système d’arme sont très petits et ne disposent que de 6 boutons chacun. Cela exclut donc une utilisation tactile ainsi qu’une évolution poussée du système d’armes. Le manche est un manche de F-4 Phantom ou de F-5 Tiger II (que l’Iran possède encore en service) et rend impossible toute utilisation d’un sytème HOTAS pour commander le système d’arme.

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La manette de train d’atterrissage et les indicateurs de position de train sont empruntés à un Falcon 20 (en service dans les forces iraniennes) et l’anémomètre visible semble être gradué jusqu’à 240 ou 260 nœuds, des vitesses très faibles pour un avion de combat. Il s’agit très certainement du badin d’un Cessna 310, dont l’Iran a également pris livraison.

Le nez est également tellement petit que le radar emporté doit être de taille minimale, augurant donc de performances assez faibles, les performances de ce dernier étant en grandes parties liées à la taille de l’antenne (si radar il y a).

Enfin, le cockpit ne comporte pas de HUD et le casque présenté avec l’aéronef ne présente pas la technologie de viseur de casque. Il n’y a donc aucun indice concernant un quelconque système d’arme.

  • Fuselage

Le fuselage est lisse sur ses parties et ressemble fortement à du dakron tendu sur une structure, tel qu’utilisé en vol à voile ou sur des ULM. Cette impression est renforcée par l’absence de quelconque trappe de visite, et est particulièrement visible sur la partie basse du fuselage sur les photos de face.

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  • Autres détails

Une photo montrant en gros plan la dérive permet de voir que les matérieux utilisés ne sont pas parfaitement plat (soit fibre de verre, soit dakron) mettant en cause une nouvelle fois la réelle avionabilité de l’avion. Les gouvernes présentent un large espace et seules les charnières sont visbiles dans cet interstice. Comment les commandes de vols sont-elles donc actionnées ? L’espace entre gouverne et plan fixe pose une nouvelle fois la question de l’aérodynamisme global et de la furtivité de l’avion. Le train d’atterrissage semble chétif mais c’est le cas sur un certain nombre d’aéronefs de combat utilisés sur terre ferme ; cependant aucun câblage hydraulique ou électrique ne descend le long de la jambe, dénotant la possible absence d’un quelconque système de freinage.

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  • Armement

Comme nous l’avons démontré précédemment, le F-313 n’emporte probablement aucun système d’arme. Les photos ne laissent pas entrevoir l'emport de canon d’un côté ou de l’autre du fuselage, et l’absence probable de soute signifie que l’armement devra être emporté sur des pylônes. Adieu donc la furtivité ; aussi il n’y a aucune protubérance visible sous les ailes, indiquant que la connectivité ou les crochets des pylônes d’armement sont présents, et la forme de l’aile sera un facteur très limitant pour le nombre et la masse d’armement emporté.

  • En vol

L’IRIAF a montré une vidéo présentant le F-313 en vol. N’importe quel œil averti peut néanmoins montrer qu’il s’agit en fait d’un avion radiocommandé. Ceci est particulièrement visible lors des phases au sol (rapport d’échelle) et lors de son comportement général en vol. De plus, les photos et vidéos publiées montrent que l’aéronef en vol est assez différent aérodynamiquement que l’exemplaire présenté, notamment en ce qui concerne l’aile dont les moignons de bout de voilure sont bien moins inclinés ainsi que la zone du cockpit et l'arrête dorsale. De l’aveu même des médias iraniens, l’appareil présenté en vol serait cependant bien une maquette. Ces éléments nous permettent donc de mettre en doute les dires du Président iranien selon lesquels l’avion a effectué "plusieurs milliers d’heures de vols".

3. Conclusion

L’avion est sans conteste pratiquement invisible au radar … puisqu’il est construit en bois, en toile et en fibre de verre. En terme d'industrie aéronautique de pointe récente, il est difficile de ne pas faire de parallèle avec la Chine.

L’industrie chinoise a montré ces 3 dernières années une très grande vitalité dans le domaine de la furtivité. Si la furtivité de leurs appareils n’est pas connue, il est clair que les appareils sont réels et volent, même s’il s’agit certainement plus de démonstrateurs permettant de valider des concepts plutôt que de prototypes d’avions entrant (ou sur le point d’entrer) en service.

Au vu de l’analyse précédente, il est évident que l’avion présenté est une maquette qui va nécessiter un énorme travail pour en faire une version qui pourra voler un jour. Il est peu probable que l’Iran possède cette capacité, quand on voit le retard technologique que le pays a pris depuis les trente dernières années. Même la Chine, qui se bat depuis plus de vingt ans pour construire une industrie aéronautique cohérente n’a pas la prétention qu’ont eue les Iraniens avec leur Qaher F-313.

L’Iran n’en est pas à son coup d’essai pour la fabrication d’aéronefs indigènes, mais ceux-ci ont toujours été des modifications grossières d’anciens appareils déjà en service, comme c’est par exemple le cas du Sahege, un F-5 avec une dérive en V très similaire au F-18 (et donc au F-313).

La présentation du F-313 et une analyse primaire des images diffusées sont d’autant plus embarrassantes que l’Iran a affirmé avec sérieux les capacités de son avion de combat. Il est donc probable que la présentation du F-313 soit en fait destinée à une propagande interne pour montrer la combativité du régime iranien et sa volonté de mieux faire. N’importe quel expert militaire peut facilement démontrer que l’avion n’existe pas et n’est qu’une maquette, comme nous venons rapidement de le faire dans cet article. Mais les seuls experts militaires en Iran étant les militaires iraniens eux-mêmes, il est certain qu’ils n'aient pas une parole libre pour montrer le grotesque de cette machine.

Il en faudra donc bien plus à l’Iran pour impressionner ses adversaires potentiels, aux premiers rangs desquels Israël, les Etats-Unis et les pays du Golfe.

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