Le Su-27 est un biréacteur russe de combat, hautement maniable et à assez long rayon d'action, dont le programme répond à l'apparition du F-X (qui donnera le McDonnell Douglas F-15) aux Etats-Unis. Son aérodynamique évoluée, semblable à celle du MiG-29, lui a donné une agilité impressionnante à l'époque pour un si gros avion. C'est encore l'un des seuls avions au monde capable de faire le "Cobra", une manœuvre qui l'a rendu célèbre. Décliné au fil des années en une jungle de versions et de dérivés, il est toujours en service aujourd'hui dans de nombreux pays, dont certains comme l'Inde ou la Chine ont entamé une production sous licence. C'est encore maintenant un des avions de combat principaux de l'armée de l'air russe.
En 1979, suite à la sélection du F-15 par les Etats-Unis, les Soviétiques lancent leur propre programme, sous le nom de PFI. Le cahier des charges demandait non seulement un avion agile, capable de 1450 km/h et de décoller de pistes en mauvais état de 1200 m ou plus, avec un plafond opérationnel de 18300 m... mais il fallait aussi un rayon d'action de 1700 km à haute altitude, ou 500 km à base altitude. Les bureaux d'études de Mikoyan-Gurevitch et Sukhoi se mirent au travail, sur des recommandations aérodynamiques du TsAGI, le centre de recherche aérodynamique soviétique.
Une succession de prototypes
Par la suite, le programme fut coupé en deux, avec un avion léger et agile à court rayon d'action, qui sera le MiG-29, et un avion plus lourd et plus endurant, le Su-27. Ce choix recoupe la situation de fait aux Etats-Unis, où l'USAF avait dû, plutôt pour des raisons financières, partager sa flotte entre le léger F-16 et le plus lourd F-15. Les missions prévues pour l'avion, à part la mission principale d'intercepteur à long rayon d'action, pouvaient inclure l'escorte d'avions d'attaque comme le Su-24 Fencer, ou d'avion de pénétration capable d'attaquer des cibles d'opportunité comme des AWACS loin en territoire ennemi. Il représentait la relève des Tu-128 Fiddler, Su-15 Flagon ou Yak-28P Firebar.
Baptisé T10, le nouvel avion était imposant, avec une aile ogivale (comme celle du Concorde) toute en courbes, rattachée à l'avant du fuselage par des apex, une double dérive et deux réacteurs AL-21F-3 à post combustion, développant 109,9 kN (pleine PC), dont les entrées d'air rectangulaires en biseau étaient situées sous la racine des ailes. L'aérodynamique était "intégrée", l'aile et le fuselage ne formant qu'un ensemble porteur. Les deux réacteurs étaient assez écartés l'un de l'autre, élargissant l'arrière du fuselage, et augmentant la surface portante. Deux quilles stabilisatrices placées sous les dérives augmentaient la stabilité à haute incidence.
Volant pour la première fois le 10 Mai 1977, le T10-1 est rapidement repéré par les satellites américains et y gagne la désignation OTAN Ram-K, puis Flanker-A. Après la construction de 9 prototypes dont certains sont perdus lors de crash, les performances espérées ne sont pas au rendez-vous. Ces prototypes étaient tous plus ou moins différents, certains explorant une nouvelle motorisation avec des Lyulka-Saturn AL-31, d'autres une possible navalisation... Mais l'avion, qui était destiné à être plus performant que les spécifications du F-15, l'est bien moins. Du coup, l'appareil est redessiné de fond en comble, et une nouvelle série de prototypes, désignés T10S, vole à partir de 1981. Les changements sont assez profonds : aile redessinée avec une plus grande surface ailaire, cône de queue ajouté, empennages redessinés, réacteur double-flux au lieu de simple-flux, aérofrein dorsal (à la F-15) remplaçant les deux aérofreins situés sous le fuselage qui jouaient le rôle de trappe de train. Après la résolution de quelques gros problèmes de jeunesse, le T10S se révèle un excellent appareil et est mis en service en tant que Su-27S, ou Flanker-B pour l'OTAN.
Premiers Flanker
La version de production, le Su-27S, était assez différente du T10 original. Les changements les plus notables étaient la nouvelle forme des ailes, qui perdirent leurs courbes vues de haut avec des bords d'attaque d'apex et d'aile droits, et l'ajout d'un aérofrein juste en arrière du cockpit. L'équipement opérationnel incluait un canon de 30 mm placé sur la droite du fuselage au niveau du bord d'attaque de l'apex, toute l'avionique nécessaire (radar, contre-mesures, etc), et 10 points d'emport, dont deux rails missiles en bout d'aile, deux pylônes sous chaque aile, et quatre sous le fuselage. Une sorte de protubérance fit aussi son apparition entre les deux tuyères des réacteurs, qui pouvait contenir de l'avionique. La motorisation faisait appel à l'AL-31F, un réacteur de 122,8 kN de poussée, fiable et résistant bien aux perturbations qui apparaissent lors de manœuvres à hautes incidences. L'avion est robuste et capable d'opérer depuis des pistes en mauvais état.
Le Su-27 fait sensation au Bourget, en 1989, avec une démonstration du célèbre "Cobra" : il consiste à interrompre un vol en palier en cabrant fortement l'avion, à plus de 90° d'incidence, puis à réaccélérer en palier. Le tout, sans prendre beaucoup d'altitude lors du cabré, et sans en perdre trop lors de l'accélération... Une manœuvre qu'encore aujoud'hui, très peu d'avions de série (voire aucun) sont capables de passer. Cette manœuvre, bien que jugée à peu près inutile en combat réel car elle fait perdre toute son énergie à l'avion, ce qui n'est jamais une bonne chose, montre cependant la maniabilité de l'avion, d'autant plus impressionante si on prend en compte sa taille imposante.
Son arsenal en mission d'interception à longue distance comportait le missiles de combat BVR (Beyond Visual Range, hors de portée visuelle) R-27, jugé inférieur à l'AMRAAM américain. Il était complété par le R-73, ou AA-11 Archer, missile infrarouge à courte portée d'excellent comportement, jugé lui en avance par rapport au Sidewinder américain. En dogfight, le pilote de Su-27 avait un gros atout grâce à son casque, doté d'un viseur le dispensant de pointer le nez de l'appareil vers son adversaire pour tirer ses missiles : il lui suffisait de tourner la tête vers lui. Ce viseur de casque, maintenant assez répandu (les pilotes de Tigre, de F-35, d'Eurofighter, de Gripen ou de MiG-29K indiens en disposent), était à l'époque une première. L'avionique, réputée moins perfectionnée que sur ses adversaires occidentaux, repose tout de même sur un puissant radar Doppler et un dispositif de veille et traque infrarouge (IRST, Infra Red Search and Tracking) d'une cinquantaine de km de portée. Le système radar RPLK-27 comprend un radar N001 capable de "lookdown", c'est à dire de repérer et traquer des cibles contre le "bruit de fond" du paysage, d'une portée de 80 à 100 km en secteur frontal, et 30 à 40 km en secteur arrière (pour un chasseur non furtif). Il est capable de traquer simultanément dix cibles.
Le Su-27S fut aussi développé en une version biplace. Cette version, le Su-27UB, est un peu particulière dans la mesure où le bureau d'études essaya de garder, tant que possible, les mêmes caractéristiques que la version monoplace : position du centre de gravité, dimensions, capacité en carburant, performances, équipement... Elle a donc les mêmes capacités offensives que le Su-27 monoplace, avec le même radar et les mêmes capacités d'emport. Le second cockpit, en arrière du premier, est surélevé ; cela donne aux deux pilotes un excellent champ visuel. La masse est bien entendu supérieure, d'un peu plus d'une tonne ; la vitesse maximale est diminuée, de l'ordre d'une centaine de km/h, le rayon d'action aussi, et la distance de décollage allongée. La plupart sont utilisés pour l'entraînement des pilotes.
Appareils embarqués
La Marine Soviétique s'était lancée, dans les années 80, dans un ambitieux programme de porte-avions. La construction du premier, le Tbilissi (rebaptisé Amiral Kusnetzov en 1991), avait été lancée en 1983. Ces porte-avions avaient besoin d'un groupe aérien, les appareils envisagés étant le Yak-44 de veille (équivalent du E2C Hawkeye), le Yak-141 à décollage et atterrissage à la verticale, ainsi que des versions navalisées des Su-27, MiG-29 et Su-25 d'attaque au sol. La navalisation du Su-27 avait été envisagée très tôt dans le programme. Les Soviétiques avaient prévu des porte-avions à tremplins, pour éviter la complexité lié aux catapultes, une technologie qu'ils ne maîtrisaient pas. Du coup, les Su-27 navalisés devaient être capable, par la seule puissance de leurs moteurs, d'accélérer assez rapidement sur le pont, en profitant du tremplin, pour décoller. Une série de prototypes spécialisés, les T10K, fut produite ; le premier vola en Août 1987.
Désignée Su-27K, ou Su-33 (ou Flanker-D pour l'OTAN), l'appareil fit des essais d'opérations aéronavales sur le porte-avions Tbilisi en Novembre 1989, et entra en service en 1991. En plus de l'armement commun avec les Su-27 classiques, cette version navalisée est capable d'emporter des missiles anti-navires Kh-41 Moskito ou H-31. Ces appareils avaient des plans canards, une crosse d'appontage, un train renforcé, des ailes et des gouvernes de profondeur pliables. Pour dégager la vue lors de l'appontage, l'IRST est décalé sur la droite ; l'appareil dispose en outre d'une perche de ravitaillement, ce qui lui permet de décoller quasiment à vide et remplir les réservoirs peu après avoir quitté le pont, maximisant ainsi l'emport offensif.
Mise à jour de la flotte Russe
La Russie veut mettre à jour ses Su-27, entrés en service dans les années 80. Un programme de modernisation a été lancé, résultant dans un premier vol d'un Su-27SM en 2002. Cette version modernisée, reprenant certaines innovations du Su-35, inclut un nouveau "glass cockpit", un nouveau radar N001V à antenne électronique, un nouveau système de tir, un nouveau système de contre-mesures. Elle est capable d'emporter le nouveau missile R-77, auquel son radar est maintenant adapté, ainsi que plusieurs missiles air/sol ou air/mer : Kh-29, Kh-31, Kh-35, Kh-59 ou les bombes guidées KAB-500 et KAB-1500. Ces bombes guidées seront dirigées par un pod de visée, peut-être le 52Sh Sapsan. Le train d'atterrissage est renforcé pour augmenter la charge utile. Une série de 24 premiers appareils avaient été mise à jour, et livrée en 2006. Un programme de modernisation pourrait aussi concerner les appareils de la Marine.
Versions d'exportation
Une version d'export du Su-27S à l'avionique diminuée, le Su-27SK, fut vendue au Viêtnam et à la Chine. Cette version était dotée de capacités d'attaque au sol, avec deux points d'emport supplémentaires, et la possibilité d'embarquer des bombes lisses ou à fragmentation de 250 ou 500 kg, des roquettes, ou des pods canons. Le train d'atterrissage fut renforcé et la masse maximale au décollage passa à 30,45 Tonnes contre 28,3 Tonnes pour les avions russes. La Chine, principal client, en construisit une partie chez elle, sous la dénomination J-11. Au départ utilisant des kits fournis par Sukhoi, la production fut à partir d'un certain point totalement menée en Chine, après quelques déboires nécessitant l'appui de techniciens russes. De cet avion, les Chinois dérivèrent le J-11B, doté de réacteurs produits localement, le Tai Hang WS10. Une version export du Su-27UB biplace, le Su-27UKB, fut aussi vendue à la Chine qui en fut l'unique client. De même, le Su-27SMK est un Su-27SM destiné à l'export, et en reprend les principales caractéristiques.
L'Inde s'intéressa aussi au Su-27, et acheta en 1996 le Su-30MKI, une sorte de Su-27 nouvelle génération. L'ancêtre de cet appareil est le Su-30, une modification du biplace Su-27UB avec une perche de ravitaillement en vol et une avionique améliorée lui permettant de jouer le rôle de poste de commandement volant, notamment des équipements de communication et de guidage. De ce Su-30, entré seulement à quelques exemplaires en service en Russie, Sukhoi dériva un "avion de combat polyvalent", le Su-30MK, apportant la capacité de tirer des R-77 et aux capacités air/sol améliorées. Les Su-30MKI de l'Inde sont une version améliorée de ce Su-30MK. Pour augmenter la maniabilité, une paire de plans canards est ajoutée ainsi que des tuyères à poussée vectorielle, au moins verticalement (les tuyères peuvent prendre un angle de plus ou moins 15° vers le haut ou le bas). L'avionique est améliorée avec des systèmes français, russes, israéliens ou indiens. Le Su-30MKI n'existant que sur le papier au moment du contrat, et l'intégration d'équipements si divers étant compliquée, la livraison prit du retard et le standard MKI ne fut atteint que par étapes successives. L'Inde a commandé un peu moins de 200 Su-30MKI, certains devant être produits sous license en Inde par HAL (Hindustan Aerospace Limited), elle en a déjà plusieurs dizaines en service.