Le Mitsubishi G4M Betty fut le fer de lance de l'aviation de bombardement nippone durant la Seconde Guerre Mondiale. Officiellement nommé "Bombardier d'Attaque Type 1 de la Marine", surnommé "Hamaki", cigare, par les Japonais à cause de la forme de son fuselage, et "Briquet Volant" par les Alliés pour sa tendance regrettable à se transformer en torche, le Betty était un bimoteur rapide de bombardement ou de torpillage basé à terre, à long rayon d'action et à l'armement défensif puissant. Il participa, dès 1941, à la plupart des batailles de la Guerre du Pacifique contre les aéronavales Alliées, particulièrement dans la lutte anti-navires. Son efficacité, redoutable au début du conflit, décroira progressivement avec l'augmentation de la supériorité aérienne alliée.
Le début du programme menant à la conception du Betty découle directement des limites de son prédécesseur, aussi conçu par Mitsubishi, le G3M Nell. Cet appareil, le premier bombardier bimoteur à long rayon d'action des forces japonaises, était censé permettre de soutenir les opérations maritimes depuis la terre grâce à un long rayon d'action et des capacités anti-navire (torpillage). Etant une première, il était handicapé par plusieurs défauts, dont une défense peu efficace contre les chasseurs : deux postes dotés chacun d'une mitrailleuse de 7.7 mm sur le haut du fuselage (à l'avant et au centre), plus un poste de tir rétractable pour couvrir le dessous de l'appareil, qui n'était que peu utilisé, occasionnant trop de traînée. Un défaut typique pour des bombardiers d'avant-guerre...
Tant est si bien que trois petits mois après les débuts en combat du G3M en Chine, en Septembre 1937 la Marine Japonaise commandait déjà à Mitsubishi des études pour un nouvel appareil, bimoteur, transportant une charge de bombe équivalente au G3M (environ 800 kg), mais mieux armé. Les performances exigées, elles, étaient supérieures à celles des versions du Nell en service au même moment (le G3M2) : 400 km/h à 3000 m (contre 375 pour le Nell) et une autonomie de 2000 mille nautique (3700 km) avec charge de bombe maximale (1800 pour le Nell), ou 2600 mn (4815 km) sans bombes.
Le travail débuta lentement dès la fin de 1937 : l'ingénieur en charge du projet, Kiro Honjo, partageait son temps avec le développement du G3M2 Model 22, et d'autres ingénieurs de l'équipe étaient transférés à la création de l'A6M Zero. Une première maquette fut prête et inspectée en Août 1938. Le nouvel appareil était un bimoteur aux lignes élancées, grandes ailes droites et empennage classique, avec un cockpit abondamment vitré.
Contrairement au Nell, qui transportait ses bombes ou sa torpille sous le fuselage, le Betty était doté d'une soute à bombes au niveau de l'emplanture des ailes, améliorant l'aérodynamique, et donc la vitesse et le rayon d'action (au prix d'un poids supplémentaire). L'armement défensif, lui, était considérablement renforcé, et comprenait un poste dans le nez, un poste de tir supérieur au milieu du fuselage et deux postes de tir latéraux, tous équipés d'une mitrailleuse Type 92 de 7,7 mm, ainsi qu'un canon Type 99 de 20 mm en queue.
Le prototype du G4M Betty accomplit son premier vol le 23 Octobre 1939, motorisé par deux moteurs Mitsubishi MK4A Kasei Model 11 de 1530 CV à quatorze cylindres en double étoile, propulsant chacun une hélice tripale, avec d'excellentes performances. Stoppé pendant plusieurs mois en faveur du G6M1, une variante lourdement armée destinée à l'escorte de bombardiers - un programme similaire exista en 1943 aux Etats-Unis avec le B-40, variante du B-17 -, le programme du G4M continua avec la sortie des lignes de production du premier appareil de série, désigné G4M1 Model 11, en Avril 1941. Le G6M1 avait été annulé, après la production de 30 exemplaires, quand on s'aperçut que chargé de canons comme il l'était, il n'était pas capable de rester en formation avec les bombardiers une fois leurs bombes larguées.
Une arme à longue portée
Pour parvenir au rayon d'action demandé, le G4M, comme l'A6M Zero du même constructeur, était équipé de réservoirs de carburants "de base", légers et moins encombrants que les réservoirs auto-obturants également disponibles. Les 4780 L de carburant embarqués sur les premières versions lui donnaient une autonomie supérieure aux exigences, 3000 mn (5500 km) au lieu de 2600, avec une vitesse maximale de 450 km/h au lieu de 400... En comparaison, un appareil contemporain comme le Junkers Ju-88 allemand d'une masse équivalente de 12,5 T au décollage emportait 3580 L de carburant interne pour une autonomie de guère plus de 3600 km, et encore avec 500 kg de bombes.
Les 7 hommes d'équipage, deux pilotes, un bombardier / radio / mitrailleur et 4 mitrailleurs, n'étaient pas protégés par la moindre plaque de blindage, encore une fois pour limiter la masse et donc augmenter le rayon d'action. Ces choix n'étaient pas uniques, et beaucoup d'appareils utilisés au début de la guerre en Europe de l'Ouest n'étaient pas blindés et/ou ne disposaient pas de réservoirs de carburant auto-obturants, comme par exemple le Vickers Wellington, bombardier bimoteur anglais qui fit les frais de la chasse allemande ; mais en 1941, date d'entrée en service du Betty, ces protections étaient déjà largement utilisées par beaucoup de constructeurs dans le monde ; et le Betty était destiné à durer pendant toute la guerre, contrairement au Wellington... Beaucoup de Betty tomberont les ailes en flammes.
Le bombardier fut engagé dès le début de la guerre du Pacifique, en Décembre 1941, et se révéla un atout de premier choix dans un contexte de supériorité aérienne, sur un théâtre d'opérations gigantesque où son rayon d'action avait toute son utilité. Il était aussi servi, pour les opérations anti-navires, par l'excellente qualité des torpilles japonaises, larguables à pleine vitesse et très fiables, contrairement à leurs équivalentes américaines de l'époque.
Après avoir participé aux opérations en Chine, le premier coup d'éclat du Betty a lieu le 10 Décembre 1941, trois jours après l'attaque de Pearl Harbor. Les cuirassés anglais HMS Prince of Wales et Repulse escortés de quatre destroyers avaient quitté Singapour le 8, dans le but d'intercepter un convoi Japonais en route pour débarquer en Malaisie. La petite flotte, nommée Force Z, manque le convoi et, l'effet de surprise gâché, est sur le chemin du retour lorsqu'elle est attaquée par un groupe de Mitsubishi G3M Nell et G4M Betty ayant décollé de Saigon, plus de 1000 km au nord. Pour la première fois dans l'histoire, des cuirassés sont coulés en pleine mer par une force aérienne, laissant les Alliés sans un seul cuirassé opérationnel dans le Pacifique (ceux ayant survécu à Pearl Harbor étant sur le chemin de la Californie).
Par la suite on retrouve le G4M dans la plupart des opérations contre les Alliés, de Darwin aux Aléoutiennes en passant par Guadalcanal. Le premier raid sur Darwin notamment, le 19 Septembre 1942, voit près de 250 appareils japonais, dont 27 Betty, attaquer Darwin en deux vagues, exécutant ainsi le premier et plus important raid aérien de l'histoire contre l'Australie. Les raids contre Darwin continueront jusqu'en Novembre 1943, les Betty y étant largement présents.
Dans un registre moins glorieux, le Betty fut aussi l'un des acteurs des combats aériens du 18 Avril 1943 conduisant à la mort de l'amiral Isoroky Yamamoto (opération Vengeance), le commandant en chef de la flotte combinée Japonaise. Yamamoto et son équipe étaient alors passagers de deux G4M Betty, dans les Salomons ; la Navy avait intercepté l'ordre Japonais de départ quelques jours avant, Roosevelt ordonné l'attaque, et un squadron de P-38G Lightning fut envoyé détruire les Betty. Après un vol de plus de 970 km entièrement à basse altitude pour éviter la détection radar, utilisant à fond leur rayon d'action, les 8 Lightnings interceptèrent les deux Betty exactement à l'endroit prévu et réussirent à les descendre au prix d'une seule perte et malgré l'escorte de six A6M Zero, tuant Yamamoto dans le crash de son appareil.
Vers plus de solidité... très progressivement
Avec la perte de l'initiative des Japonais dans le Pacifique dès 1942, et la réduction, puis la disparition de leur supériorité aérienne, l'intérêt de disposer d'un bombardier à très long rayon d'action se réduit, tandis que la nécessité de le rendre plus résistant au coups augmenta. C'est ainsi qu'au fil des versions, Mitsubishi tenta de rendre le G4M plus résistant. En Août 1942 déjà, on avait rendu standard le moteur MK4E Kasei Model 15, équipé d'un meilleur turbocompresseur améliorant les performances en altitude ; dans le même temps, on tente déjà de réduire l'inflammabilité des réservoirs avec l'installation de feuilles de caoutchouc vulcanisées pour certaines, qui gonflent au contact du carburant et rebouchent ainsi les impacts de balles, sur une épaisseur de 30 mm, sous les réservoirs d'aile, et on installe un système d'extinction fonctionnant au CO2. On en profite pour blinder le poste du mitrailleur arrière avec des plaques de 5 mm (on le redessinera dans les versions suivantes pour augmenter les angles de tir du mitrailleur). L'autonomie en fut réduite de 315 km et la vitesse d'une dizaine de km/h.
En attendant l'arrivée des bombardiers modernes G7M1 Tenzan, bimoteur, et Nakajima G8N1 Renzan, quadrimoteur (qui n'entrèrent finalement jamais en service), le travail sur le Betty continue avec une seconde variante "temporaire", le G4M2 Betty (Model 22 dans sa version de base), largement modifié aérodynamiquement (nouvelles ailes à profil laminaire, stabilisateur horizontal élargi) et dans sa propulsion avec le moteur MK4P Kasei Model 21 (puis 25 de 1850 CV pour le G4M2 Model 24) et deux hélices quadripales pouvant être mises en drapeau. La capacité en carburant incluant un réservoir additionnel dans le fuselage était portée à 6490 L et l'armement défensif renforcé en remplaçant le poste de tir dorsal, équipé d'une mitrailleuse de 7.7 mm sur le G4M1, par une tourelle à canon de 20 mm. A cause de retards de production sur le moteur Kasei Model 21, la production en grande série du G4M2 ne commence qu'en Juillet 1943.
Avec la fin de la guerre et l'apparition des Kamikaze sur la scène, on crée une version du G4M2 Betty un peu spéciale, le G4M2 Model 24J, destinée à l'emport d'un MXY-7 Ohka Model 11, spécialement blindé. Le Ohka était un avion-fusée blindé d'explosifs, transporté sous le ventre d'un avion-mère, qu'on larguait à quelques kilomètres de sa cible. Les Betty les transportants étaient lents et peu aptes à échapper aux Hellcat et autres Corsair alliés et nombre de ces assemblages composite étaient descendus avant même d'arriver à portée de leur cible.
La dernière variante du Betty fut le G4M3 Model 34, allant dans le sens d'une protection renforcée aux dépends de l'endurance : réservoirs auto-obturants qui réduisent quasiment d'un tiers l'emport en carburant, canons remplaçant les mitrailleuses de sabord latéral, équipage protégé par des plaques de blindage... On modifie également le cône de queue, le raccourciçant pour augmenter le champ de tir. Ceci, ajouté au blindage, décale le centre de gravité et dégrade la stabilité de l'appareil ; les ingénieurs trouvent la solution lors de tests en soufflerie et donnent un dièdre à l'empennage horizontal. Mais il est déjà largement trop tard : la production ne commence qu'en Octobre 1944 et le G4M3 ne sera construit qu'à 60 exemplaires, contre environ 1200 pour le G4M1 et 1200 pour le G4M2.
C'est une paire de G4M1 Betty convertis en transports qui convoiera la délégation japonaise chargée de signer la capitulation, peints en blancs avec des étoiles vert foncé pour éviter les méprises.
Il n'y a pas de version référencé pour cet appareil.