Le Petlyakov Pe-2 est l'un des bombardiers majeurs de la Seconde Guerre Mondiale. Constituant la majeure partie de la flotte de bombardement soviétique durant la Seconde Guerre Mondiale, ce bombardier bimoteur, capable de bombarder en piqué, est difficile à comparer à des appareils comme le Ju 88 allemand, aussi capable de bombarder en piqué : s'il est moins bien défendu que ce dernier et emporte moins de bombes, il est bien plus rapide et maniable, au moins en début de guerre. Au moins en début de guerre, parce que ses performances pures diminueront lentement au cours du temps. Il succède cependant heureusement aux Tupolev SB (utilisé pendant la guerre d'Espagne) et Iliouchine DB-3, étant bien plus performant qu'eux.
Le Pe-2, qui pouvait utiliser sa vitesse pour rendre la vie de ses intercepteurs (principalement des Bf 109F) plus difficile au début de la guerre, ne le pourra rapidement plus. Sa vitesse maximale est réduite en partie par une augmentation de poids classique dans la vie d'un avion (augmentation de l'armement défensif, du blindage, etc), et en partie par une qualité de construction de plus en plus déplorable : le déménagement des usines aéronautiques vers l'Est devant l'avancée allemande implique l'emploi de nombreux ouvriers locaux peu qualifiés. De plus, les moteurs sont un problème : il est difficile de les changer sans perturber les lignes de production, et de toute façon les nouveaux moteurs sont en général soit peu fiables, soit déjà réquisitionnés pour un avion prioritaire. Ainsi, des défauts suivront l'appareil en permanence, notamment un comportement dangereux à basse vitesse et des rebonds à l'atterrissage. De même, l'armement défensif, assez faible, sera amélioré petit à petit mais restera insuffisant.
Construit officiellement à 11070 exemplaire, le Pe-2 est le bombardier soviétique le plus construit de l'histoire. Malgré ses défauts chroniques, c'était un appareil moderne et performant, et assez polyvalent (on en dérivera une version de chasse lourde, le Pe-3). Son concurrent le Tu-2, qui lui était probablement supérieur malgré son incapacité à bombarder en piqué, ne sera introduit qu'à partir de 1942 et ne sera jamais autant utilisé. Il restera cependant plus longtemps en service, et remplacera à partir de 1945 le Pe-2 dans certains régiments.
Développement initial
Le chemin qui mena l'équipe de Petlyakov à la version finale du Pe-2 fut assez tortueux. Le Pe-2 commence comme projet "VI-100", un intercepteur de haute altitude, à cabine pressurisée, chargé d'intercepter des bombardiers volan de plus en plus haut, ou d'escorter le bombardier lourd TB-7. Biplace avec un pilote à l'avant et un navigateur à l'aplomb de l'aile, dans deux compartiments pressurisés séparés, il doit aller loin et haut. Un plafond de 12500 m, une distance franchissable maximale de 2400 km, et une vitesse maximale de 630 km/h à 10000 m sont les principaux objectifs.
Pour faciliter la pressurisation, la plupart des parties mobiles (gouvernes moteurs, commandes de vols, compensateurs etc) sont actionnées grâce à des servomoteurs, qui évitent les liaisons mécaniques mobiles. Deux moteurs Klimov M-105R avec leurs compresseurs TK-2 propulsent l'appareil, dont les ailes sont dotées d'un profil aérodynamique adapté à la haute altitude. L'avion fait son premier vol le 22 décembre 1939, vol qui se passe assez mal : un moteur tombe en panne au décollage, forçant l'avion à atterrir droit devant lui en évitant de justesse des obstacles. Le second prototype s'écrase lors de son second vol suite à un incendie, au printemps 1940.
Entre-temps, l'URSS se trouve avoir désespérément besoin d'un bombardier en piqué moderne. Depuis la guerre d'Espagne et les essais du Stuka, le concept prend de l'importance, et les VVS n'ont toujours pas d'avion spécialisé valable. Les ingénieurs ont déjà essayé de transformer les Iliouchine DB-3 et Tupolev SB en bombardiers en piqué, en leur ajoutant des freins de piqué, mais leur structure n'est pas adaptée et nécessite de sérieux renforcements. Allant plus loin, ils étudient l'Arkhanguelski Ar-2, dérivé du SB, qui ne peut réellement prétendre à l'adjectif "moderne". D'autres projets d'avions nouveaux ont été lancés, à l'image du Polikarpov SPB ou du Tupolev 103, futur Tu-2, mais ils ne sont pas prêts, et les autorités décident de convertir le projet de Petlyakov en bombardier en piqué, annulant le SPB et changeant la mission du 103.
La transformation du Pe-2 se justifie aussi par le peu d'urgence à disposer d'un chasseur de haute altitude : les allemands n'ont pas de bombardiers capables de croiser à 10000 m, seulement des avions de reconnaissance (Ju-86P et R), que les MiG-3 sont déjà en théorie capables d'intercepter. L'équipe de Petlyakov a un mois et demi, jusqu'au 1er Août, pour fournir les dessins techniques du nouvel appareil (aucun prototype n'est prévu). Les modifications sont lourdes : suppression de tout le système de pressurisation, freins de piqués, nouvelle motorisation, quasi-nouveau fuselage. Le premier avion de pré-série vole le 15 Décembre 1940, et comporte de nombreux défauts, dont certains resteront.
Deux des défauts essentiels concernent les phases d'atterrissage et de décollage : les profils aérodynamiques choisis pour les ailes, qui n'ont pas été changés depuis le VI-100, ne sont pas adaptés aux faibles vitesses, car ils décrochent à 11° d'incidence seulement, et la vitesse d'approche est élevée ; de plus, les amortisseurs du train sont mal calculés, et l'avion rebondit constamment à l'atterrissage. L'avion, en outre, ne peut voler sur un seul moteur. Les appareils de présérie ont cependant de bonnes performances : 452 km/h au ras du sol, jusqu'à 540 km/h à 5000 m (masse au décollage 6800 kg). L'équipage est composé de trois hommes, un pilote, un navigateur /mitrailleur et un radio / mitrailleur. Les deux premiers sont dans la cabine de pilotage, le navigateur disposant d'une mitrailleuse ShKAS tirant vers l'arrière ; le radio est dans le fuselage, avec seulement deux hublots pour la vue, et sert une mitrailleuse ventrale escamotable peu pratique. Deux mitrailleuses fixent tirent vers l'avant.
La construction de l'appareil fait largement appel à des alliages légers, et est à revêtement travaillant. Le carburant est réparti dans huit réservoirs placés dans les ailes et un réservoir de fuselage. Tous ces réservoirs sont auto-obturants, et seront même "neutralisés" par des gaz inertes pour limiter les risques d'explosion : les gaz inertes permettent de chasser l'air et donc l'oxygène, des réservoirs au fur et à mesure de la consommation. Le nez des premières versions est largement vitré, et le sera de moins en moins au fil du temps pour gagner en masse, et économiser le Plexiglas.
En opérations
Au moment de l'attaque allemande, le Pe-2 n'a encore fait l'objet d'aucun essai opérationnel, et les équipages ne sont que peu entraînés ; il n'est par exemple pas question de lancer des attaques en piqué. Sa bonne aérodynamique lui permet d'échapper aux Bf 109 en léger piqué, et s'il est plus difficile à prendre en main que ses prédécesseurs SB ou DB-3, il est bien plus performant. Une attaque de Pe-2 sur les raffineries de Ploesti, au début de la guerre, profite de la confusion causée par la ressemblance du Pe-2 avec le Bf 110 (cette confusion est ausi présente chez les chasseurs et la Flak soviétiques, qui tirent parfois sur leurs propres appareils) pour y volatiliser 250 000 L de carburant.
Au contact de la chasse allemande, les déficiences de l'armement défensif se font criantes, et des modifications sont rapidement apportées, par petites touches. Une mitrailleuse est rajoutée à l'arrière, que le radio peut faire tirer à travers ses hublots latéraux ; on essaye aussi de mettre une mitrailleuse fixe dans le cône de queue. Du blindage est ajouté pour protéger plus efficacement le pilote et le navigateur. Pour compenser le manque de matériaux stratégiques (aluminium), on équipe certains appareils d'hélices en bois ; par la suite, des parties de la section arrière du fuselage sera construite en utilisant ce matériau sur certaines appareils, malgré le manque de main-d'œuvre qualifiée pour le travail du bois.
Les Pe-2 sont parfois armés de roquettes pour l'appui-sol, notamment lors des combats autour de Moscou, fin 1941. Parfois, on fait aussi tirer les roquettes vers l'arrière, pour décourager les chasseurs ennemis. Le Pe-2 n'est au départ que peu utilisé comme combardier en piqué, à cause de freins de piqués capricieux (qui veulent bien sortir, mais pas rentrer) qui rendent le retour dangereux, et de la faible expérience des équipages. Il est en revanche régulièrement envoyé dans des missions de reconnaissance, ou d'attaque d'aérodromes ennemis. Après la mort de Petlyakov dans un vol de liaison en Pe-2, en Janvier 1942, le développement continue, notamment avec un nouvel affût pour le navigateur, qui dispose maintenant d'une mitrailleuse lourde UBT. Cela améliore considérablement les chances des Pe-2, en empêchant les Bf 109 de s'approcher trop près impunément.
Courant 1942, l'approvisionnement en matières premières est bousculé par l'avance allemande sur la Volga, et on est forcé d'utiliser des plaques de Duralumin trop épaisses, faute de mieux, ce qui augmente bien sûr le poids de l'appareil ; il faut y ajouter une qualité de construction en chute libre, faute d'ouvriers qualifiés. En septembre 1942, la vitesse maximale est ainsi descendue à moins de 500 km/h, contre 540 pour les premiers appareils de présérie. Des évolutions du moteur, augmentant légèrement sa puissance, sont implémentées mais cela ne suffit pas à redresser la barre.
Lors des combats de Stalingrad, le Pe-2 est présent en force, attaquant les terrains allemands ravitaillant la ville encerclée, ainsi que les troupes au sol. Le ciel n'étant plus totalement maîtrisé par les Allemands, les pertes diminuent et de grosses formations de plusieurs dizaines d'appareils peuvent être utilisées. Ainsi, fin 1942 début 1943, le Pe-2 devient le principal avion de bombardement soviétique. La chasse allemande gagne cependant en mordant, avec le Fw 190, armé de quatre canons de 20 mm, et le Bf 109G, plus rapide que ses prédécesseurs et devant lesquels les Pe-2 ne peuvent plus guère fuir. Les pilotes allemands utilisent des tactiques de meute, se concentrant sur un appareil en multipliant les passes de tir venant de toutes les directions. En parallèle, la vitesse maximale du Pe-2 ne cesse de chuter, pour atteindre en Mars 1943 480 km/h en configuration lisse à 3400 m.
Une série de tests sont menés sur des exemplaires sortis d'usine, pour tenter d'améliorer leur aérodynamique et regagner quelques précieux kilomètres ; les mesures permettent sur les exemplaires de tests de ramener la vitesse à celle des premiers exemplaires de pré-série, mais toutes les modifications ne sont pas applicables en série. Cela améliore cependant la situation, et conjugué au moteur M-105PF (à la pression d'admission maximale augmentée) permet à un Pe-2 prélevé sur la chaîne d'atteindre, en Août 1943, à la masse de 8550 kg, 512 km/h à 3700m. On en profite pour tester diverses hélices, et on arrive à faire voler le Pe-2 sur un moteur en dessous de 1000 m. La bataille de Koursk montre cependant que des performances tout juste équivalentes à celles de 1941 ne sont plus suffisantes en 1943 et les formations de Pe-2 se font parfois étriller, d'autant plus que les équipages inexpérimentés ont du mal à rester correctement en formation.
Toujours en 1943, on teste l'installation de "grenades défensives", larguées, ralenties par un parachute et réglées pour exploser quelques centaines de mètres derrière l'avion en difficulté. Ce dispositif, peu conventionnel, permet parfois de repousser les attaques allemandes. De même, les tactiques évoluent : le bombardement en piqué par de larges formations se généralise, en utilisant un cercle défensif au-dessus de la cible : les appareils piquent un à un, puis viennent se replacer dans le cercle. En 1944, peu de modifications significatives sont apportées à la conception de l'appareil, alors que les Pe-2 sont engagés de plus en plus massivement dans le soutien de grandes opérations offensives. On tente un moment de les utiliser en formations de plus en plus importantes, mais cette tendance est rendue difficile par les équipages peu expérimentés. 1944 voit aussi une grande augmentation des attaques en piqué.
Il n'y a pas de version référencé pour cet appareil.