01/06/2009 - Accident AF447 - Airbus A330-200 - Air France
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Vector
Inscrit le 26/06/2007 |
# 27 juin 2009 20:58 | |
Ce sont effectivement beaucoup de (bonnes) questions, dont mais chacune exigerait des réponses de plusieurs pages. Pour la question des sondes, le problème est connu depuis plusieurs années et elles étaient en cours de remplacement depuis avant l'accident. Elles ont été mises en cause dans plusieurs incidents, dont certains graves. La chance joue un rôle, la négligence aussi et les aspects financiers en période de crise, tout autant. Un tube Pitot est un tube fermé dans lequel l'air se comprime par la vitesse. Comme l'air peut contenir de l'eau, ou prévoit de petits trous pour que l'eau puisse s'écouler, mais à haute altitude, elle gèle et bloque les trous. On a donc prévu un réchauffage électrique. Finalement un instrument extrêmement simple est devenu assez complexe. Et apparemment ce n'est pas encore suffisant pour couvrir toutes les éventualités. A 10 000-11 000 m, l'altitude de vol de ces avions, il fait moins de -40 et il n'existe normalement plus trace d'eau liquide, seulement de microscopiques cristaux de glace. Comme ces cristaux s'accumulent dans le fond du tube, il peut se faire que le réchauffage fasse fondre la glace qui regèle immédiatement passé la résistance, avec les mêmes conséquences. Pour mesurer la vitesse, on compare cette pression dynamique (ou totale) à une pression statique fournie par une autre sorte de prise parallèle à la surface et insensible à la vitesse de l'avion. C'est comme si vous teniez un tuyau par la fenêtre d'une voiture en marche en la comparant à la pression intérieur pour mesurer la vitesse. En général, un problème de fluctuation de la vitesse indiquée n'est pas considéré comme grave s'il est temporaire (et par beau temps) par un pilote qui peut faire la part des choses, mais pour un ordinateur, c'est plus embêtant car il ne se posera même pas la question. C'est la raison pour laquelle on a traité le problème avec une certaine décontraction (les exploitants, les constructeurs et les pilotes). On avait tort dans le contextes d'avions qui sont entièrement informatisés et dans certaines conditions météo extrêmes. Il est certain qu'on va maintenant regarder les choses de plus près, mais j'espère qu'on ne fera pas passer la chose sur le dos de l'équipage pour dédouaner Airbus et Air France. C'est à cela que vise la campagne d'information (ou de désinformation?) publique qui revient à dire "Mais qu'allaient-ils faire dans cet orage, ils ne savent donc pas regarder leur radar ?" Voila, c'est sans doute une vue superficielle des circonstances, mais ce serait bien qu'on retrouve les enregistreurs. (Dernière édition le 28 juin 2009 03:24) _________________ " Des trolls, n'en jetez plus, la cour est déjà pleine !" Vector |
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eolien
Inscrit le 30/01/2008 |
# 28 juin 2009 00:31 | |
Aux bonnes réponses apportées aux questions posées par Matshan, je rajouterais un élément : le circuit visuel. On éduque le regard à balayer les instruments, et à réagir en conséquence : Cela devient une seconde nature. Tout en pilotant, tout en ayant l'esprit occupé par d'autres tâches, l'oeil voit le Badin décroître, automatiquement et inconsciemment la main réagit et avance les manettes de gaz. De la même manière que, alors que vous bavardez, le pied gauche freine et le droit débraye lorsque le feu passe au rouge : totalement inconsciemment. Alors, si le badin a trahi sa mission en donnant des informations sournoisement erronées, tout le reste n'est, comme le dit Vector, qu'un discours préparant l'absolution pour tous les responsables qui n'ont pas pris la décision de changer, dans l'urgence, les sondes Pitot. |
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Vector
Inscrit le 26/06/2007 |
# 28 juin 2009 03:37 | |
Eolien, tout est dans le "sournoisement erroné". Un pilote sait reconnaître qu'il n'est pas en décrochage, malgré l'alarme, et il se dépêchera de ne rien faire; le problème se réglera de lui-même au bout de quelques minutes. Même dans ce cas, c'est une curieuse pratique que d'avoir toléré cette situation une dizaine de fois au cours des dernières années. Dans un tout autre domaine, j'étais en train de traduire cet après-midi qu'en Alberta un technicien employé à des forages pétroliers a laissé tomber son train de tiges au fond du puits (quelques centaines de milliers de dollars de dégâts) parce qu'un avion l'a survolé à 30 m d'altitude et à 600 kts. On pourrait aussi dire qu'il a manqué de sang froid, mais les frais ont été remboursés par l'Armée. _________________ " Des trolls, n'en jetez plus, la cour est déjà pleine !" Vector |
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eolien
Inscrit le 30/01/2008 |
# 28 juin 2009 08:37 | |
Bonjour, j'avias ici, je ne sais plus sous quel topic, rapporté un incident qui nous été arrivé : au sud de Brazzaville, au FL 370 nous avions été pris entre deux têtes de cunimb. Le premier évènement fut une perte de vitesse, jusqu'au Sitick Shaker. Pendant que je faisais l'annonce d'urgence, le copi PF avait déconnecté le PA, poussé les manettes plein gaz et mis l'avion à piquer (- 4° au dépouillement des paramètres) pour diminuer l'incidence et éviter le décrochage. Puis de cette "dégueulante", nous étions entrés dans une "pompe" et on s'était retrouvé au FL 384, soit 1400 ft plus haut en quelques secondes. (3500 ft/mn au relevé des paramètres) Pas une seconde nous n'avons pensé à une panne de Badin. Tout s'est passé très vite et on a réagit comme tout pilote aurait réagit. Car si nous avions dit : "Tiens ... tiens.. et si c'était une panne de Badin... Voyons ... voyons... comment le discriminer... Ah ! La vitesse sol du GPS !... Zut... C'est en kt et ça ne nous dit pas grand chose par rapport à l'écart avec la Vs à cette altitude... ne touchons à rien et réfléchissons !" Et bien nous ne serions pas là pour en parler ! Car l'assiette (- 4°) avec le vario en montée, et un badin comateux aurait rendu impossible toute analyse quant à un Badin en panne à cause d'un Pitot bouché ! Les puristes raconteront ce qu'il voudront : dans une situation aussi tendue les pilotes d'un A330 ou de n'importe quel autre avion réagissent en fonction de ce qu'ils voient sur l'instant : si le Badin s'écroule, ils mettent plein gaz. S'il frise le MMO, ils réduisent. Ils ont été formé pour ça, ils doivent réagir comme cela. Si d'aventure, les Pitot(s) sont à l'origine de cet accident, il faudra demander des explications à ceux qui le sachant ont laissé cet avion en exploitation. Bonne journée, Eolien777 (Dernière édition le 28 juin 2009 09:25) |
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eolien
Inscrit le 30/01/2008 |
# 28 juin 2009 09:42 | |
Un témoignage d'un pilote d'A 330 : NWA pilot testimony Tuesday 23rd June, 2009 10am enroute HKG to NRT. Entering Narita Japan airspace. FL390 mostly clear with occasional isolated areas of rain, clouds tops about FL410. Outside air temperature was -50C TAT -21C (you're not supposed to get liquid water at these temps). We did. As we were following other aircraft along our route. We approached a large area of rain below us. Tilting the weather radar down we could see the heavy rain below, displayed in red. At our altitude the radar indicated green or light precipitation, most likely ice crystals we thought. Entering the cloud tops we experienced just light to moderate turbulence. (The winds were around 30kts at altitude.) After about 15 seconds we encountered moderate rain. We thought it odd to have rain streaming up the windshield at this altitude and the sound of the plane getting pelted like an aluminum garage door. It got very warm and humid in the cockpit all of a sudden. Five seconds later the Captain's, First Officer's, and standby airspeed indicators rolled back to 60kts. The auto pilot and auto throttles disengaged. The Master Warning and Master Caution flashed, and the sounds of chirps and clicks letting us know these things were happening. Jerry Staab, the Capt. hand flew the plane on the shortest vector out of the rain. The airspeed indicators briefly came back but failed again. The failure lasted for THREE minutes. We flew the recommended 83%N1 power setting. When the airspeed indicators came back we were within 5 knots of our desired speed. Everything returned to normal except for the computer logic controlling the plane. (We were in alternate law for the rest of the flight.) We had good conditions for the failure; daylight, we were rested, relatively small area, and light turbulence. I think it could have been much worse. Jerry did a great job flying and staying cool. We did our procedures called dispatch and maintenance on the SAT COM and landed in Narita. That's it. (Dernière édition le 28 juin 2009 09:44) |
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eolien
Inscrit le 30/01/2008 |
# 28 juin 2009 12:08 | |
Une des caractéristiques de cet accident, s'il est confirmé que la panne des Pitot(s) est à l'origine de la cascade d'événements qui conduiront au crash, est qu'elle n'aura pas d'importantes conséquences sur le futur. Si les sondes Pitot avaient été changées en temps et en heure il n'y aurait pas eu ni les incidents rapportés, ni ce crash. Si les sondes Pitot ont toutes été changées, partout, le problème est déjà résolu. Il n'est donc nul besoin d'imaginer une refonte quelconque des systèmes. Des milliers d'avions, Airbus, Boeing et autres volent sans avoir jamais de problèmes avec leurs Pitot(s)... Il s'agissait juste d'un mauvais outil, que l'"on" savait pernicieux, et que l'"on" a laissé en place... pour quelques milliers d'euros... Et qui a tué. Pour la forme on rappellera à l'occasion aux pilotes la procédure associée à une panne de Badin. Peut-être même qu'on la mettra au programme d'une prochaine séance de Simulateur... qui ne reproduira jamais les effroyables circonstances qu'ont vécu les pilotes de l'AF 447. (Dernière édition le 28 juin 2009 12:09) |
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matshan
Inscrit le 20/06/2009 |
# 28 juin 2009 12:15 | |
J'avoue que je trouve toutes vos réponses assez effrayantes car il semble quand même qu'il y ait des pannes d'avion réccurentes (dont la cause semble assez bien identifiée) qui sont difficilement gérables en vol même pour les pilotes les plus aguérris. Les solutions à ces problèmes ont l'air, pour un simple voyageur comme moi, de relever plus du bricolage en esperant que toute aille bien que d'une véritable expertise aéronautique (je me trompe). Si rien n'a été fait pour corriger les problèmes de pitot, on peut aussi se demander quel(s) autre(s) type(s) de dysfonctionnement sont encore actuellement traités par dessus la jambe par les avionneurs, les compagnies et peut-être même certains pilotes. Quelle confiance peut on accorder à nos transporteurs? |
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Vector
Inscrit le 26/06/2007 |
# 28 juin 2009 12:16 | |
Bonjour Eolien, Votre mésaventure est tout à fait le même scénario et montre que pour un pilote, on ne conteste pas le Badin et l'altimètre. On rabache si souvent que les deux mamelles de la sécurité en avion sont la vitesse et l'altitude, que personne ne pense à autre chose en cas d'alarme décrochage. Si en plus vous recevez une cascades de messages contradictoires, il y a de quoi perdre le fil du bon sens. Sur quel type d'avion et vous souvenez-vous du modèle des Pitots? Je vais relire votre second post en détail car c'est l'un des témoignage du pilote de NWA sous enquête du NTSB, n'est-ce pas ? A plus tard _________________ " Des trolls, n'en jetez plus, la cour est déjà pleine !" Vector |
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Vector
Inscrit le 26/06/2007 |
# 28 juin 2009 12:23 | |
Rebonjour Eolien, Ce sont exactement les mêmes symptômes dans des conditions plus favorables. Est-ce que ce genre d'incident donne lieu à un rapport officiel aux autorités de certif et à Airbus ? Si oui, nous sommes en présence d'une inaction inqualifiable et il devrait y avoir des conséquences. Eh oui, il est impossible de trouver de l'eau à 37 000 pieds, mais on en trouve et en quantité ("pelting" est fort en anglais, d'ailleurs, il devait aussi y avoir aussi de la grêle). On trouve aussi d'autres choses qui ne devraient pas y être. En fait, le FL 370 est aussi le record d'altitude pour un "birdstrike" avec un vautour de 10 lb ingéré par un réacteur de B-707 au-dessus d'Abidjan. Comment le volatile a-t-il pu monter à cette altitude ? Sans doute porté par une ascendance dans un Cb. Mais comment pouvait-il respirer et voler avec une densité aussi faible ? C'est resté un mystère pour tout le monde. Et les mystères ça ne fait pas bon ménage avec les ordinateurs. (Dernière édition le 28 juin 2009 13:21) _________________ " Des trolls, n'en jetez plus, la cour est déjà pleine !" Vector |
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eolien
Inscrit le 30/01/2008 |
# 28 juin 2009 12:50 | |
Bonjour, on est dans un cas d'espèce exceptionnel : d'évidence les responsables n'ont pas mesuré toute la portée de la défaillance des 3 sondes Pitot(s) au même instant. Rien n'est parfait ni ne sera jamais parfait en ce bas monde.... Le zéro accident n'existe pas et l'avion reste le moyen de transport le plus sûr ... Dites-vous bien Matshan que lorsque vous prenez l'avion, c'est dans le trajet en voiture pour aller à l'aéroport que vous risquez le plus... d'avoir un accident ! Bon appétit à tous ! Eolien777 |
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eolien
Inscrit le 30/01/2008 |
# 28 juin 2009 13:09 | |
B 777-300ER... les Pitot(s) ??... | ||
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Vector
Inscrit le 26/06/2007 |
# 28 juin 2009 15:08 | |
Bonjour Matshan, C'est vrai que dans ce cas, il semble y avoir eu un dysfonctionnement des responsables de la navigabilité qui ne se sont pas assez préoccupés de ce genre d'incidents (pas encore des accidents). Il faut savoir que tout avion est certifié en fonction d'hypothèses sur la probabilité d'un événement donné. Le cas des trois sondes affectées en même temps a dû sembler si improbable qu'il n'était pas nécessaire de le prendre en considération. Par exemple, quand vous sortez de chez vous, vous ne regardez pas systématiquement si une cheminée ne va pas vous tomber dessus, pourtant cela se produit! Le cas de la perte d'indication de la vitesse a bien été envisagé, car il y a une procédure pour les pilotes. Ce qui n'a pas été considéré c'est que le pilote puisse être surpris par une indication fausse, mais pas aberrante (sournoise, comme dit Eolien), suivie d'une avalanche de messages et d'alarmes obscurs contradictoires, dans le noir, avec des éclairs partout et au milieu de turbulences violentes. C'est là qu'on peut concevoir des divergences d'opinion sur la gravité de la situation, mais il est évident que chaque partie va chercher à minimiser les dégâts en se déchargeant sur les autres. Un accident aérien est presque toujours dû à des combinaisons de facteurs qui, pris individuellement, peuvent sembler insignifiants. Et ce n'est pas que dans l'aviation. Pensez au tunnel du Mont-Blanc... Au bout du compte, les accidents d'avion sont spectaculaires, mais c'est quand même le moyen de transport le plus sûr, à part le train, alors regardez bien avant de sortir de chez vous et bon vol! (Dernière édition le 28 juin 2009 15:36) _________________ " Des trolls, n'en jetez plus, la cour est déjà pleine !" Vector |
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Vector
Inscrit le 26/06/2007 |
# 28 juin 2009 15:16 | |
Eolien, Comment le réchauffage Pitot est-il commandé ? Par un thermostat ? Est-ce qu'il y a des risques de surchauffe ? En apparence, les anomalies de IAS durent environ 5 minutes. Est-ce que ça correspond au temps nécessaire pour faire fondre la glace ? (Dernière édition le 28 juin 2009 15:53) _________________ " Des trolls, n'en jetez plus, la cour est déjà pleine !" Vector |
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eolien
Inscrit le 30/01/2008 |
# 28 juin 2009 16:15 | |
Je prends au plus simple, c'est -à -dire la Doc pilote qui sue ce sujet est très succinte : Que ce soit A ou B, c'est la même logique : tout automatique ! Selon les avions, dès que l'alimentation électrique est établie (ou un moteur en route pour certains ex B 777) les sondes sont réchauffées électriquement. Il est courant que les sondes soient alimentées en AC 115 V/400 Hz en vol et seulement en 28 DC au sol pour éviter les surchauffes et les brulures pour les personnels. Un calculateur en interface surveille le bon fonctionnement du système et envoie les alarmes en cas de dysfonctionnement.... Effectivement, cela y ressemble... Au passage une remarque : lorsque l'on voit dans les différents rapports que la Température extérieure a brutalement augmenté, c'est du au fait que la sonde est prise dans de la glace et indique... la température de la glace !... |
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Vector
Inscrit le 26/06/2007 |
# 28 juin 2009 17:11 | |
Je ne crois pas que la température extérieure soit influencée par la glace. Pour l'ADIRU, il y a une sonde de température totale (TAT) qui sert à la correction de la pression Pitot pour calculer la vitesse corrigée (CAS à partir de IAS). D'ailleurs, le pilote NWA dit que la TAT était de -21 C pour une température ambiante de -50. Je pense plutôt que le Cb devait effectivement contenir une masse d'air plus chaude et humide (malgré le refroidissement adiabatique) pour produire la pluie violente qu'il décrit. Il se passe de drôles de choses à l'intérieur d'un Cb ! Avant la Guerre, les pilotes de planeurs allemands cherchaient à battre les records d'altitude et de durée en se servant des Cb comme "pompe". Et ça marchait, sauf qu'aucun planeur ne peut résister à ce genre de turbulences et que les "recordmen" redescendaient au sol 5 heures plus tard au bout de leur parachute, mais sous forme de pain de glace. (Dernière édition le 28 juin 2009 17:13) _________________ " Des trolls, n'en jetez plus, la cour est déjà pleine !" Vector |
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