Le Skyraider est un avion d'attaque embarqué de l'après-guerre, successeur du célèbre Dauntless. Utilisé intensivement par l'US Navy et les Marines en Corée, puis dans la première partie de la guerre du Viêt-Nam, il se fait remarquer par son impressionnante capacité d'emport, sa résistance aux dégâts, et sa polyvalence. Il mise sur la simplicité, avec ses ailes droites et son train classique.
On trouve une version du Skyraider presque pour chaque mission : attaque au sol, alerte radar avancée, guerre anti-sous-marine, transport ou évacuation de blessés, chasse, avion de guerre électronique, avion de bombardement en piqué, avion torpilleur... Son importance sur le théâtre Viêtnamien sera réduite par l'arrivée massive, en 1968, de batteries de missiles air/sol pour lesquels cet avion relativement lent est une cible assez facile. Un grand nombre d'appareils seront livrés aux forces du Sud-Viêtnam.
En France, le Skyraider sera utilisé en tant qu'avion d'appui au sol, et sera engagé en Algérie, remplaçant les vieux P-47 jusque là utilisés dans ce rôle. Le Skyraider fut utilisé durant toute la guerre, se révélant comme l'un des avions d'appui les plus efficaces de l'Armée de l'Air.
Le Skyraider trouve ses origines dans la situation de Douglas au milieu de la guerre : le très apprécié SBD Dauntless, l'un de ses produits phare, est remplacé par le SB2C Helldiver, en théorie bien plus performant avec son rayon d'action supérieur et un différentiel de vitesse de presque 50 nœuds, le tout avec une charge utile équivalente.
Douglas se fend alors du XSB2D-1, un avion complexe et avancé technologiquement (à la demande de la Navy) : train rentrant, mitrailleuses défensives télécommandées, aile de mouette à flot laminaire comparable à celle du Corsair (et pour la même raison : garde au sol de l'hélice)... Armé de deux canons de 20 mm fixes, capable d'emporter plus de 4200 livres (1900 kg) de bombes, ou deux torpilles Mk.13, l'appareil est prévu pour être propulsé par le nouveau Wright R-3350, un moteur en étoile à 18 cylindres refroidi par air, développé pour le B-29. Le premier vol a lieu le 8 Avril 1943, et la vitesse maximale est établie à 345 mph (555 km/h), contre 281 mph (452 km/h) pour le Helldiver.
Dès Août 1943, la Navy passe commande de 13 SB2D-1 de test, mais se ravise rapidement : elle demande un avion monoplace, sans mitrailleurs arrière. Douglas modifie donc son avion, en créant un dérivé monoplace, désigné BTD-1. L'idée de départ des BT, ou Bombardier Torpilleur, est de remplacer à la fois les SB (Scout Bomber, ou Eclaireur Bombardier, SBD Dauntless et SB2C Helldiver), et les Avenger, avions torpilleurs. Cela permettait de réduire le nombre d'avions d'attaque sur les porte-avions, et d'augmenter parallèlement le nombre de chasseurs-bombardiers comme les Hellcat. La présence de nombreux Hellcat justifie alors la suppression de l'armement défensif.
Le projet original du SB2D est débarrassé du second cockpit et des armes défensives, faisant passer du même coup la capacité en carburant de 550 à 640 gallons (2080 à 2420 litres). Le premier vol a lieu en Mars 1944, l'avion montrant des performances en gros équivalentes à celles du SB2D-1, c'est à dire relativement bonnes... La Navy a d'ailleurs commandé 358 appareils à l'automne 1943. Mais la concurrence, sous la forme des Curtiss XBTC-1, Kaiser-Fleetwing XBTK-1, et du Martin XBTM-1 Mauler, est là, et ces appareils sont conçus directement en fonction des nouvelles spécifications.
Edward Heinemann, ingénieur en chef chez Douglas, ne voit donc qu'un avenir limité au BTD-1, qui ne sera au mieux qu'un appareil de transition, et il propose à la Navy, en Juin 1944, de remplacer le contrat pour le BTD-1 par un appareil complètement nouveau, le BT2D. Les officiels acceptent la proposition, et demandent une présentation du projet le lendemain matin. Evidemment, Heinemann ne s'était pas engagé sans avoir réfléchi au projet auparavant, et lui et ses deux collègues avaient déjà un concept, très différent du BTD, beaucoup plus classique.
Les officiels acceptèrent le nouveau projet, qui remplaça officiellement le BTD, commandèrent 15 appareils de pré-série, et exigèrent un premier vol neuf mois plus tard. De conception standard, c'était un monoplan à aile basse trapézoidale, à train classique (avec roulette de queue), armé de deux canons M3 de 20 mm dans les ailes, dépourvu de soute à bombes (15 pylônes d'emports disponibles), et équipé de trois grands freins de piqué à l'arrière du fuselage - deux sur les côtés et un sous l'avion. Il était de taille plus ou moins équivalente à l'Avenger, et bien plus gros que le SBD Dauntless (11,84 de long et 15,2 d'envergure contre respectivement 9,96 et 12,65 au Dauntless). Il gardait le moteur prévu pour le XSB2D, c'est à dire le Wright R-3350. La simplicité de l'appareil permit de tenir les délais, et le 18 Mars 1945, l'avion vola pour la première fois.
Les tests révélèrent un avion aux bonnes bases, sain, excellent bombardier en piqué, et très performant. Le principal problème de départ se révéla être le moteur, peu fiable dans ses premières versions. Par la suite, on découvrit aussi une faiblesse au niveau de la liaison train principal / aile, qui rompit en série durant les essais, au point de rappeler tous les XBT2D-1 de présérie pour modifications. D'une masse à vide de 4,5 tonnes, et maximale de 7,9 tonnes, il pouvait aller jusqu'à 375 MPH (604 km/h), avait un plafond de 8000 m, et un taux de montée maximal de plus de 18,5 m/s. La capacité interne de carburant, de 350 gallons (1325 l), était complémentée par un réservoir larguable de fuselage Mk.12 de 150 gallons (570 l) et deux réservoirs d'aile Mk.8 de 300 gallons (1135 l), ce qui lui donnait avec carburant supplémentaire un rayon d'action de plus de 1350 miles (2200 km).
Le Skyraider fut décliné en sept versions principales de production, production qui s'étala de Novembre 1946 à Février 1957, numérotées de AD-1 à AD-7 suite au changement de nomenclature de la Navy. Les améliorations de version en version sont relativement classiques : augmentation de la capacité de carburant interne, renforcement du train d'atterrissage et de sa jonction avec les ailes, apparition de deux canons supplémentaires à partir du AD-4, amélioration de l'ergonomie du cockpit, et augmentation régulière de la puissance du moteur pour compenser l'ajout de masse à vide.
Chaque version fut déclinée en plusieurs variantes. Dès les préséries, Douglas transforme quelques appareils en avion radar avec deux opérateurs logés dans le spacieux fuselage et des surfaces verticales sur la profondeur, avion de reconnaissance photo, ou de guerre électronique (suffixe Q). Ces diverses variantes sont reproduites pour la plupart des versions. Lorsqu'il est nécessaire de placer des opérateurs radar ou de guerre électronique dans le fuselage, les freins de piqué et leur mécanisme sont généralement supprimés, pour faire un peu de place. Dès la version AD-1, un Skyraider d'alerte avancée, équivalent des débuts des E2C Hawkeye actuels, est produit à quelques exemplaires. Une variante d'attaque de nuit (suffixe N) est aussi récurrente, équipée de projecteurs et d'un radar.
Quelques appareils de la version AD-2 (désignés AD-2D) furent convertis en avions-mères pour des drones, et chargés de faire des relèvements à proximités d'essais de bombes nucléaires. Par la suite, le concept fut repris sur des AD-4N, qui, durant la guerre de Corée, purent guider des drones F6F-5K Hellcat sur des cibles bien définies. Le décollage du porte-avions était géré par un Skyraider sur le pont, puis le drone était pris en charge par un Skyraider déjà en vol au moment du décollage. Les F6F-5K étaient armés d'une bombe de 2000 lbs (900 kg) et guidés en phase terminale par le biais d'une caméra dans le cockpit. Seulement 6 missions de ce genre furent lancées, sur des ponts ou des tunnels particulièrement coriaces.
Les Skyraider furent aussi engagés dans la lutte anti-sous-marine avec deux variantes : une chargée de trouver le sous-marin, un Skyraider d'alerte radar avancée dont le radar Guppy était remplacé par un radar de recherche de surface AN/APS-31 (suffixe E) ; et une chargée de le détruire, basée sur la variante d'attaque de nuit, suffixe S. C'est le concept "Hunter-Killer", qui fonctionna parfaitement avec le Skyraider. Une variante -L vit aussi le jour, spécialement pour l'hiver, avec systèmes de dégivrage des bords d'attaques des diverses surfaces portantes ou de contrôle, ainsi qu'un équipement anti-givre. L'attaque nucléaire fut aussi envisagée, certains Skyraiders (version AD-4B) pouvant emporter une bombe nucléaire Mk.7 de 70 kilotonnes sur un pylône d'emport spécial.
Une version se démarque des autres par sa configuration permettant le vol en double commandes, côte à côte. C'est le AD-5, qui dispose d'un fuselage largement élargi au niveau du poste de pilotage, permettant de placer de front deux cockpits pleinement instrumentés. Le résultat est un avion aux lignes encore moins fines que l'original, qui est aussi allongé et dispose d'un empennage agrandi. Cette configuration élargit encore le panel de missions du Skyraider, puisqu'elle permet l'emport de quatre brancards, ou quatre passagers tournés vers l'arrière.
En Corée, les Skyraider se comportèrent de manière excellente, pouvant emporter des charges assez étonnantes à l'époque : typiquement, trois bombes de 1000 livres accompagnées de douze roquettes HVAR de 5 pouces de diamètre (127 mm). Une autre caractéristique remarquée de l'avion était sa robustesse, certains avions se posant après avoir encaissé un obus de 37 mm. La simplicité de conception de l'appareil rendait les réparations possibles et peu coûteuses.
Jusqu'au début des années 1960, le Skyraider resta l'avion d'attaque principal de la Navy ; à partir de 1963 les jets comme le Grumman A-6 Intruder commencèrent à prendre le relais. Mais le temps des hélices n'était pas totalement terminé, et les Skyraider de la Navy étaient encore nombreux au Viêt-Nam, et furent engagés dans les premières attaques de la guerre. Quelques-uns réussirent même à remporter des victoires sur les MiG Nord-Viêtnamiens, comme le 20 Juin 1965, lorsque deux Skyraider en mission de sauvetage sont engagés par deux MiG-17, parviennent à en faire entrer un en tournoyant, et l'éliminent au canon. Cependant, l'apparition de systèmes efficaces de missiles Air / Air commence à rendre l'avion obsolète par sa lenteur, et les Skyraider de la Navy sont retirés des opérations en 1968.
L'US Air Force avait, après un certain temps, aussi acquis des Skyraider, en partie pour en équiper et y entraîner les forces Sud-Viêtnamiennes. La principale mission des Skyraider était ici l'appui-sol ou d'interdiction de traffic routier, par exemple sur la piste Ho-Chi-Min. Le Skyraider n'était pas le seul warbird à voler ce genre de missions, l'USAF utilisant aussi des B-26K Counter Invader ou des T-28 Trojan. Cette mission évolua par la suite, les Skyraider devenant principalement chargés de missions de récupération de pilotes éjectés en territoire ennemi (missions SANDY), la plupart du temps par groupes de quatre, en escorte d'hélicoptères HH-3 Jolly Green Giant.
Seuls des avions à hélices étaient assez lents et disposaient d'assez de temps de vol pour pouvoir exécuter efficacement ce genre de missions. Ils étaient pour ces missions armés de mitrailleuses légères Gatling à très haute cadence de tir, en nacelles, ainsi que des bombes à sous-munition larguant des petites charges anti-personnelles "Gravel" sur une large zone, en plus de l'armement habituel de bombes, roquettes et napalm.
Le Skyraider était aussi un avion recherché à l'étranger. La Royal Navy acheta quelque cinquante appareils, des AD-4W, avions d'alerte avancée avec radar APS-20 contenu dans un gros bulbe sous le fuselage. Ils étaient désignés Skyraider AEW. Ce furent les premiers appareils d'alerte avancée embarqués de la Royal Navy, qui les utilisa de 1953 à 1961, avant de les remplacer par des Fairey Gannet. Certains furent revendus à la Suède, qui les débarrassa de leurs radars et les utilisa comme remorqueurs de cibles. La France aussi se montra intéressée et fut le second client, en 1959 : en remplacement des P-47 Thunderbolt qui commençaient à fatiguer, furent acquis 113 AD-4 de la Navy. Ils furent utilisés pendant la guerre d'Algérie à partir de 1960, mais aussi contre des guérillas au Somaliland, à Madagascar ou au Tchad. Certains d'entre eux seront d'ailleurs laissés aux forces locales.