Actualité aéronautique

A350 - 787: Un duel qui se profile

Article publié le 23 mars 2005 par Simon Castaing

A la mi-décembre, Airbus a officiellement lancé son dernier modèle: l'A350 pour contrer le Boeing 787 Dreamliner. Il s'agira d'un dérivé modernisé de son A330. Airbus parle de ce programme depuis la mi-mai 2004, et a présenté cet été son projet à plusieurs compagnies aériennes dans le but de ne pas laisser le marché libre au 787 concurrent.

A priori, Airbus avait prévu de dévoiler l'A350 en juillet lors du salon de Farnborough. Cependant, à cette date là, le projet n'était pas encore assez avancé et du travail était encore nécessaire pour parfaitement cerner les besoins et obtenir un avion à même de se battre à armes égales avec l'avion américain. Durant cette période, l'A350 a perdu 8 tonnes de masse à vide grâce à l'utilisation accrue de matériaux composites (en particulier les fibres de carbone). Malheureusement pour Airbus, sur la même période, le prix de développement a doublé pour atteindre aujourd'hui 4 milliards de $ et la prévision d'entrée en service a été repoussée à la mi 2010.

Bien entendu, la réaction immédiate de Boeing a été de dénigrer l'A350. "Ce n'est qu'un dérivé de l'A330 qui arrivera sur le marché un an après notre 787" fut le leitmotiv des dirigeants de Boeing. Un de ceux ci, Randy Baseler, explique qu'alors que le marché pour l'énorme A380 a été réduit par la fragmentation des trajets, le nombre de commandes dont est crédité le 787 a affolé Airbus. "Ils paniquent et ne savent que faire" conclut-il.

Comme toujours, dans ce genre de situation, le vrai n'est ni d'un côté, ni de l'autre mais quelque part entre les deux et le future seul révèlera la vérité.

Les faits sont que le transport aérien est à l'aube d'un métamorphose radicale. Personne n'asvait prévu le succès mondial des compagnies à bas coût alors que le transport aérien traverse une crise sans précédent dans son histoire. Aujourd'hui, personne ne peut vraiment prédire comment le marché aura évolué d'ici 20 ans ... ni même dans 10 ans. Pas de chance pour les avionneurs, le marché change à un rythme plus élevé que les cycles industriels.

D'autre part, jusqu'à maintenant, les modèles dérivés ont très bien marché. Personne mieu que Boeing le sait, lui qui arrive très bien à vendre son 737 NG face à l'A320 alors qu'il s'agit d'une amélioration d'un modèle datant des années 60.

La chose la plus marquante pour les observateurs de l'industrie aéronautique, et du duel Airbus-Boeing est certainement le renversement des rôles auquel on assiste aujourd'hui. En effet, depuis sa création, Airbus a toujours eu une stratégie basée sur l'innovation technologique (Commandes de vol électriques, minimanches,...) alors que dans le même temps Boeing était sur ce point là moins actif, et améliorait ses produits. Au final, Boeing a perdu sa place de numéro un du secteur il y a deuw ans. Pour reconquérir sa position, Boeing a décidé - pour la première fois depuis le lancement du 747 - de construire un avion qui possèderait toutes les technologies les plus récentes maitrisées par le groupe: le 787. En réaction, Airbus propose un dérivé de l'A330 déjà vieux de 10 ans.

Au premier coup d'oeil, la nouvelle stratégie de Boeing semble gagnante. Il faut cependant noter que Boeing a perdu du terrain face à son rival européen non pas en proposant des dérivés, mais parce qu'il n'a pas su renouveller ses produits assez vite. L'A350 est certainement une réaction face au 787, mais le 787 n'est-il pas un avion destiner à briser la domination de l'A330.

Le lancement de l'A350 force Boeing à revoir le modèle industriel du 787, qui ne devait pas avoir de concurrent direct. Non seulement, le financement du programme va s'en trouver modifier, mais l'agenda du programme risque de l'être aussi. La version rallongée, 787-9, prévue pour 2012 sera certainement avancée à 2010. Ce qui risque d'empécher (ou de retarder) Boeing de proposer une nouvelle version du 747 intégrant des technologies développées pour le 787. Bonne nouvelle pour l'Airbus A380 qui devrait faire son premier vol dans environ un mois.

Jamais auparavant le paysage de l'industrie aéronautique n'a semblé si complexe. Les deux concurrents principaux font des investissements collossaux pour séduire un marché qui se développe et qui se transforme plus vite que jamais dans une situation économique plus qu'incertaine.