De petite taille et de conception très simple, le Douglas A-4 Skyhawk reste l'un des meilleurs avions de combat tout temps grâce à son incroyable puissance de feu. Bon marché, il allait à l'opposé de la tendance vers des avions toujours plus gros et plus lourds. Malgré sa petite taille, son aérodynamique et sa motorisation lui permettaient d'obtenir des performances remarquables, notamment en vitesse. Prenant l'air pour la première fois en 1954, il fut produit pendant 26 ans pour un total de 2 960 appareils, et utilisé par les forces aériennes israéliennes ou argentines, en plus des Marines et de la Navy américains. Il participa aux guerres du Viêt-Nam, du Kippour ou des Malouines.
Le projet échafaudé en 1952 par Edward H. Heinemann, ingénieur chez Douglas, de concevoir un nouvel avion d'attaque d'une masse n'excédant pas 5450 kg, paraissait à l'époque des plus surprenants. L'US Navy se montra tellement intéressée qu'elle demanda la construction de deux prototypes à la condition que leur vitesse atteigne 800 km/h, qu'ils puissent emporter une tonne de bombes et que leur coût n'excède pas un million de dollars. Le résultat fut le A-4 Skyhawk.
Baptisé à l'origine A4D, selon les vieux critères de la Navy, c'était un avion à la fois simple et brillant. Grâce à sa voilure delta qui présentait une envergure de seulement 8,38 m, il pouvait être embarqué sur les porte-avions sans qu'il soit nécessaire de replier les ailes, et emporter 2 100 litres de carburant dans des réservoirs internes. Un autre réservoir logé sous le fuselage à l'arrière de l'habitacle contenait près de 900 litres, tandis que des entrées d'air latérales alimentaient un unique turboréacteur Wright J65 (en fait un Armstrong Siddeley Sapphire produit sous licence). L'avionique était intégrée au nez de l'appareil, et un canon 20 mm était placé dans l'emplanture de chaque aile. L'habitacle était minuscule. Pour réduire le poids au maximum, le pilote devait endosser une combinaison sur mesure qui se fixait par quatre boucles à un siège éjectable très léger. Ainsi, l'alimentation en oxygène était directement fournie par la combinaison au lieu du classique emplacement fixe dans l'habitacle.
Un avion d'attaque rapide :
La rapidité du A-4, qui ne reçut le nom de Skyhawk qu'en 1954, était incontestable. Malgré un moteur J65 lui fournissant à peine 3 266 kg de poussée au lieu des 3 765 kg du moteur Sapphire initial, un des premiers A-4 réussit à battre, en octobre 1955, le record du monde de vitesse sur circuit de 500 km avec 1 118 km/h. Des moteurs plus puissants Pratt & Whitney J52, en remplacement des J65 d'origine, permirent d'intégrer de nouveaux équipements à l'avion et d'accroître sa charge offensive. Une des premières modifications fut de lui adjoindre sur le nez une perche pour le ravitaillement en vol. Des réservoirs externes dotés de tubes flexibles et d'une perche placés sur un A-4B permettaient à deux Skyhawk de se ravitailler en vol selon le mode "buddy refuelling" (l'appareil ravitailleur est de même type, mais n'est chargé que de carburant). Cela permettait en théorie, par exemple, de décoller d'un porte-avions en privilégiant les emports offensifs sur le carburant, puis de compléter les niveaux une fois en vol.
L'A-4C reçut un radar APG-53 pour les attaques nocturnes, tandis que le A-4E, grâce à son J52 plus léger, a vu son autonomie augmenter de 27%. La version biplace TA-4 fut produite par la suite. Elle était un peu plus longue, avec un réservoir sous fuselage plus petit afin de dégager de la place pour un second habitacle. À partir de 1967, le A-7 Corsair II remplaça peu à peu le A-4 au sein de l'US Navy. Ce nouvel avion d'attaque était plus puissant mais aussi plus complexe et plus coûteux d'entretien. Pour toutes ces raisons, l'US Marine Corps choisit de s'équiper du A-4M, nouvelle version du Skyhawk au lieu de passer au Corsair II (elle remplaça au milieu des années 80 ses A-4M par des AV-8 Harrier II, qui apportaient l'atout du décollage vertical). Avec ses 5 000 kgp de poussée, cette version ultime pouvait opérer depuis des pistes de 1 200 m et emporter 4 100 kg de bombes. À l'origine, le Skyhawk était également prévu pour des missions d'attaque nucléaire où plusieurs techniques pouvaient être employées. La plus simple consistait en une attaque en piqué dans laquelle le larguage de bombes intervenait à 6 000 m. Une autre possibilité prévoyait une approche à grande vitesse et basse altitude suivie d'une ressource au sommet de laquelle l'avion larguait sa bombe ou bien encore directement sur la cible depuis 3 500 m d'altitude. Dans tous les cas de figure, le Skyhawk était en mesure de se retirer avant l'impact. Enfin, une des dernières méthodes consistait en l'emploi d'une bombe à retardement capable de pénétrer profondément le sol et de permettre à l'avion de s'éloigner.
Le Skyhawk en opérations :
Le A-4 fut le fer de lance des opérations de bombardement conventionnel de la Navy et des Marines pendant la guerre du Vietnam, en parallèle des F-105 Thunderchief de l'USAF. L'élément clé de leur réussite, au milieu des années 60, fut l'importance de leur emport en bombes de 113 kg sous voilure et six bombes de 227 kg sous fuselage. En 1968, trente squadrons de l'US Navy et de l'US Marine Corps prirent en compte des Skyhawk. Tandis que les Skyhawk de l'US Navy opéraient depuis des portes-avions qui croisaient dans le golfe du Tonkin, les Marines construisirent une base côtière à Chu Lai. Les squadrons des Marines, contraints d'utiliser des pistes courtes (600 m), devaient recourir à des décollages assistés par des fusées Jato, leurs A-4 étant armés de bombes, de paniers à roquettes et de canons en nacelle. Ils eurent aussi recours aux missiles Shrike face aux radars des batteries anti-aériennes, ainsi qu'aux bombes planantes à guidage laser Paveway et à guidage vidéo Walleye pour les attaques de précision. A partir de 1965, les SKyhawk pouvaient emporter des missiles à courte portée AIM-9 Sidewinder, pour leur autodéfense.
Le Skyhawk a combattu sous les couleurs de américaines, mais aussi dans de nombreuses autres armées de l'air. Sa petite taille lui permettait d'être opéré depuis de petits porte-avions d'escorte datant de la guerre, revendus par les Américains à des pays comme le Brésil ou l'Argentine ; et son prix était bien moins rébarbatif que celui d'avions plus gros ou plus modernes. Les forces aériennes israéliennes l'utilisèrent au cours de plusieurs conflits, dans les années 60-70. Leur rôle fut surtout essentiel pendant la guerre d'usure de 1967-1970 contre l'Egypte, et la guerre du Kippour en 1973. Il était bien moins cher que des appareils complexes comme le Phantom II, tout en étant capable d'emporter un armement suffisant pour être efficace en air/sol. Il était par contre totalement dépourvu de mode air/air, et fut donc utilisé uniquement en attaque au sol. Les Skyhawk israéliens subirent de lourdes pertes avec l'apparition de batteries de missiles antiaériens SA-6 en Egypte.
Il fut aussi utilisé par les Argentins pendant la guerre des Malouines en 1982, lors de raids menés à très basse altitude contre la flotte britannique, avec des bombes lisses. Quelques problèmes de réglage des bombes firent que beaucoup d'entre elles n'explosèrent pas, mais ils réussirent tout de même à couler ou endommager plusieurs navires. Ces succès limités, puisqu'ils ne menacèrent jamais la présence de la flotte, furent cependant obtenus au prix de lourdes pertes infligées par la DCA des navires, et par les Sea Harrier de la Royal Navy en mission de protection de la flotte.
Une des caractéristiques du A-4 est son incroyable capacité à encaisser les dommages au combat. Ainsi, de nombreux Skyhawk furent en mesure de rentrer de mission après avoir été touché par des missiles. Il était conçu pour pouvoir atterrir en catastrophe sur ses deux bidons d'aile, puis d'être remis en service avec des réparations minimales. Toutes les forces aériennes qui ont utilisé cet avion en furent particulièrement satisfaites. Le mini bombardier de Heinemann fut utilisé dans bien d'autres occasions. Depuis 1969, le TA-4J est devenu l'avion d'attaque de base de l'US Navy. La patrouille acrobatique "Blue Angels", l'école de perfectionnement de l'US Navy, le Top Gun Fighter Weapons School, dont font partie les fameux squadrons "d'agresseurs" qui simulent les techniques de combat des avion, ont pu apprécier à sa juste valeur la manœuvrabilité du Skyhawk. Les forces aériennes de Singapour se sont dotées de trois squadrons de A-4SU Super Skyhawk modernisés par la firme Singapour Aerospace et disposant des nouveaux moteurs F404 et d'une avionique de pointe. Les A-4K néo-zélandais ont aussi pu bénéficier d'un vaste programme de modernisation. Enfin, en 1994, le gouvernement des États-Unis a approuvé la vente à l'Argentine de 36 A-4M, rénovés par Lockheed.